Plein gaz
de Joe Hill, Stephen King

critiqué par Gregory mion, le 12 janvier 2014
( - 41 ans)


La note:  étoiles
Tragédie en accéléré.
L’une des règles essentielles d’une histoire courte (ou d’une nouvelle) consiste à faire de chaque élément du texte quelque chose de capital. Ainsi la nouvelle apporte des réponses que le roman, parfois, élude. Dans le cas de Plein Gaz, le lecteur entre dans l’histoire en se disant qu’il va se confronter à un monde chaotique où les gros camions ont pris le pouvoir, un monde où ces monstres de la route menacent de tout écraser sur leur passage, mais cet aspect terrifiant, il est vrai représentatif de l’univers de Stephen King et de son fils Joe Hill, n’est pas ici à l’ordre du jour. En vérité, Stephen King a déjà exploré le thème des machines autonomes et menaçantes dans sa nouvelle « Poids lourds », que l’on trouve dans le recueil Danse Macabre. Au lieu de cela, Plein Gaz se nourrit d’une rationalité dont les conséquences font froid dans le dos, parce que c’est une histoire, justement, qui aurait pu arriver. Par ailleurs, c’est aussi l’occasion pour Stephen King et Joe Hill d’inaugurer une collaboration divertissante, comme une sorte de pacte où le maître et le disciple décident de se confondre, le temps de faire un bout de route ensemble, quitte à mettre en scène un groupe de personnages qui estiment n’être pas plus que « le vomi de la route » (p. 68). Enfin, en tout début d’ouvrage, il est précisé que cette nouvelle s’inscrit dans le cadre d’un hommage à Richard Matheson, fabuleux écrivain disparu l’an dernier, auteur de Duel (qui inspira bien sûr le film de Steven Spielberg) et de Je suis une légende, entre autres, un auteur pour lequel Stephen King n’a jamais caché son admiration.

Plein Gaz se situe dans le Nevada, sur les routes désertiques qui soulèvent des poussières rouges, autant de trajectoires qui coïncident en général vers les centres que son Reno et Las Vegas. Mais tout a lieu dans la périphérie de ces métropoles, au cul du monde pour ainsi dire, dans ces endroits où certaines légendes racontent que la mafia creuse des trous et enterre ses traîtres. C’est-à-dire que loin des lumières de Vegas, il règne, même sous le soleil de plomb, une sorte d’obscurité psychique à travers laquelle transitent des êtres hors-les-lois, des gens qui avalent ces routes secondaires, qui ne font que passer, et dont les stations, quand il y en a, sont caractérisées par des actes licencieux.
La Tribu appartient à cette catégorie de désordre humain. C’est un groupe de motards dont certains membres se sont rencontrés sur les fronts de la guerre du Vietnam, plus précisément « au delta du Mékong, quand le monde était cinglé » (p. 13). Vince Adamson et Lemmy Chapman ont fait connaissance là-bas. Quant à Vince, son fils John « Race » Adamson est un membre de la Tribu. Si le fiston n’a pas pu connaître le Vietnam, il a revanche connu les déserts de l’Irak à Falloujah. D’une génération à l’autre, on est passé de la jungle luxuriante de l’Asie aux territoires arides de l’Irak, et maintenant que ces personnages traversent les déserts du Nevada, il est possible d’affirmer qu’ils se mesurent à un troisième front, un nouveau combat, une lutte intestine avec ce qu’ils sont devenus en propre. La guerre leur a en outre appris que l’existence pouvait être résumable à deux choix : la volonté de vivre ou le consentement de la mort (p. 65). Dès l’instant où ils seront attaqués par un camion-citerne de dix-huit roues, leur univers, de nouveau, se réduira à cette brutale binarité.
Mais tout commence par une fuite en avant après une visite à Dean Clarke qui a mal tourné. La Tribu a voulu faire des affaires avec Clarke. Il était question d’un arrangement autour de la drogue et d’un laboratoire clandestin. La Tribu a investi des billes dans l’affaire et les choses n’ont pas tourné comme elles auraient dû. Le jeune Race Adamson a vu rouge. Ils se sont pointés chez Clarke et les conséquences de cette colère n’ont pas tardé à se matérialiser : Clarke s’est fait démolir le crâne par une pelle et sa petite copine a subi quarante coups de machette. Les « anciens » de la Tribu, en l’occurrence Vince et Lemmy, en ont gros sur la patate. Ils ont été obligés de suivre le mouvement, mais à présent Vince se demande si son fils n’est pas qu’un affreux psychopathe, un de ces tarés dont Falloujah n’aurait fait qu’aggraver la folie intrinsèque. De toute évidence, S. King se sert de la fiction pour critiquer la politique américaine, tel qu’il a coutume de le faire dans ses romans. Ceci a pour but de montrer que ce n’est pas tant la réalité qui imite la fiction que le contraire.

Cette situation de départ révèle au lecteur le vrai sujet de la nouvelle : la dissension entre un père et un fils, une tension qui culmine habilement dans les pages liminaires du texte (pp. 9-25) et qui prépare le point de bascule, c’est-à-dire le moment où intervient un degré supplémentaire de folie, lorsque le camion-citerne prend la Tribu en chasse (p. 44). Du point de vue narratif tout est millimétré, la machine romanesque fonctionne à plein régime et nous finirons par apprendre les motifs de ce chauffeur dégénéré (p. 76). Bien entendu, il va de soi que le sujet de la relation père/fils gagne à être exploité par deux auteurs qui entretiennent le même rapport de filiation. Et s’il fallait encore justifier l’extrême cohérence de ce texte, on pourrait terminer en évoquant la dimension métaphorique du massacre de guerre et les fatalités qu’il induit. Le terme « massacre » est omniprésent dans l’histoire (il apparaît dès la première phrase), mais il l’est plutôt dans un sens autrement plus riche que le lecteur découvrira. Ce qui se détache de ce contexte d’extermination, c’est l’emprise d’un genre de tourbillon destinal, qui peut être à la fois symbolisé par la poussière virevoltante du désert (celle de l’Irak et celle du Nevada) et par la tourmente ressentie par Vince à l’égard de son fils. En fait, tout semble avoir pris corps dans la guerre du Vietnam, comme si la jungle avait condamné Vince à une méthode d’éducation forcément défectueuse, ce qui n’aura pas manqué d’envoyer son gamin sur les fronts de Falloujah (p. 41). En d’autres termes, on est en présence d’une hypothèse complètement tragique : les personnages de Plein Gaz n’ont jamais eu d’autre choix que de tomber dans le trou noir de la fatalité, précipités à toute berzingue dans la pulsion de mort, eux qui se sont donné pour devise « Vivre sur la route, mourir sur la route » (p. 22), comme s’ils n’avaient pas d’autre option que d’exister en fonction de la seule action possible pour eux, bouger vers la mort, rouler vers elle, et parfois tenir un peu le coup auprès de Vince, en compagnons marqués par le fer rouge de la mauvaise vie et qui font penser de temps à temps aux amis qui cheminèrent avec Ulysse, surtout quand le camion-citerne les attaque, en véritable cyclope, monstre d’un désert qui a déjà accouché d’autres titans redoutables pour la Tribu.
Une novella sympa, mais... 6 étoiles

Une novella (ou longue nouvelle ; une novella, c'est un format trop court pour être qualifié de roman, et trop long pour être une simple nouvelle, et ici, ça fait 90 pages environ) assez sympa, écrite à quatre mains par le père et le fils, et plus qu'inspirée par le "Duel" de Matheson, mais bon, pas la peine de le gueuler, car c'est totalement revendiqué (la novella a été, aux USA, publiée dans un recueil de textes en hommage à Matheson). Une bande de motards se retrouvent harcelés par un camion désireux de les foutre en l'air...
Bien écrit, mais sans âme, ce court texte est à lire si on est fan de King et/ou de son fils Joe Hill (qui, franchement, a fait, pour le moment, de très bonnes choses, comme le recueil "Fantômes" ou son dernier roman en date, "Nosfera2"... il n'y a que "Cornes" que je n'ai pas aimé plus que ça, j'ai trouvé le trait trop gros), mais sachez qu'il ne révolutionne absolument rien, et qu'une fois lu, "Plein Gaz" s'oublie vite, très vite.
Mais de là à dire que c'est à ch..., sans doute pas, non. 3/5 me semble la note la plus correcte à donner (2,5/5 au pire).

Bookivore - MENUCOURT - 42 ans - 10 mars 2014


Caution littéraire 2 étoiles

Franchement ? Vous n'avez pas l'impression de vous faire avoir ?
D'emblée on annonce la couleur , il s'agit d'un "hommage" à Duel ....que nenni... c'est une copie !
Grosso modo , une bande de motards est coursée par un camion qui souhaite les réduire en bouillie. Le scénario tient sur un confetti.
Ce livre ne sert qu'à une chose , faire découvrir au lectorat de S King la plume de son rejeton Joe Hill. ..car passé la nouvelle lue en une heure on vous envoie le premier chapitre de ce dernier.
Franchement le King devrait se passer de manœuvres si grotesques.
On frise à mes yeux l'irrespect.

Ndeprez - - 48 ans - 8 mars 2014


Sympathique 6 étoiles

Efficace mais sans surprise, voici une nouvelle qui se lit vite mais qui s'oublie aussitôt.
Sans la caution "King", je ne l'aurais même pas lue...

Marsup - - 48 ans - 7 février 2014