Quand on refuse on dit non
de Ahmadou Kourouma

critiqué par Mirevol35, le 4 janvier 2014
(mordelles - 74 ans)


La note:  étoiles
l'histoire de la Côte d'Ivoire racontée par un enfant-soldat
je cite "Pour le moment je sais que Houphouët Boigny a fait venir les blancs pour tout commander et les nègres indigènes des autres pays pour abattre le travail manuel, le travail des nègres. Parce que les Ivoiriens, surtout les Ivoiriens du Sud, ne sont pas courageux au travail. Ils sont lymphatiques.
Après dix ans, quinze ans et vingt ans, les coopérants ne pouvaient plus avoir la main sur tout. La Côte d'Ivoire avait formé une pléthore d'Ivoiriens capables d'assurer la relève. Ils avaient fait les mêmes études que les blancs qu'ils relevaient. C'était la relève générale, l'africanisation des cadres en côte d'Ivoire. Cette africanisation ne se faisait pas au rabais au niveau intellectuel mais au rabais dans les salaires. Le nègre touchait quatre à cinq fois moins que le blanc qu'il relevait.
Le nègre était serré dans le poste. Il lui était impossible d'assurer ses besoins et ceux de sa famille. On signala la situation au président Houphouët-Boigny. Et le président répondit pas d'amusants proverbes africains "on ne regarde pas dans la bouche de celui qui est chargé de décortiquer l'arachide. On ne doit pas être toujours là à regarder dans la bouche de celui qu'on a chargé de fumer l'agouti". Ces proverbes signifient qu'il faut savoir se servir en catimini sur la matière qu'on a en main et sur laquelle on travaille. Il faut savoir se faire payer le complément de salaire par le service dont on a la responsabilité. Personne ne vous en voudra tant que personne ne vous surprendra. Ces proverbes furent bien compris par les Ivoiriens à tous les niveaux. Et ce fut la corruption généralisée, du ministre au planton."
Après lecture de Kourouma on comprend mieux l'intervention des troupes françaises en Centre Afrique.
Une histoire à peine romancée 8 étoiles

Ce second pan du diptyque de l'histoire du Liberia et de Côte d'Ivoire se déplace principalement dans ce second pays. Le narrateur y est toujours cet enfant-soldat, qui a mûri et pris du recul. Le ton est moins violent, plus lucide, plus distancié et apaisé. Et cela repose.
L'histoire politique, économique et sociale de la Côte d'Ivoire de Félix Houphouët-Boigny est restituée de manière à peine romancée et permet d'y voir clair dans ce jeu d'influences inter-ethniques et transnationales. Les indépendances aiguisent les appétits, mais l'intervention des fonctionnaires de la coopération venus d'Europe change peu la donne à court terme, entre blancs et noirs, la situation finissant peu à peu par évoluer.
Ce roman historique est très intéressant, et s'avère très clair.
En effet, les expressions locales ne manquent pas, et certaines définitions de termes employées continuent d'être données, entre parenthèses.

Il est bien à conseiller.

Veneziano - Paris - 47 ans - 10 juillet 2015