Aime la guerre !
de Paulina Dalmayer

critiqué par Yotoga, le 4 janvier 2014
( - - ans)


La note:  étoiles
Afgha ni ce temps
„Aime la guerre“ n’est pas un livre pour la guerre, c’est un livre sur la guerre.

Hanna Dalmayer, polonaise, part en Afghanistan pour écrire des articles journalistiques et rencontre très rapidement Robert, homme d’affaire trouble et Bastien, mercenaire français. Elle commence une histoire d’amour avec Robert et ils s’installent ensemble, sa relation avec Bastien n’est pas définie mais elle semble mener un double jeu, sans le préciser. Robert représente le beau gosse riche qui trafique et l’amour consommateur, fou et sans peur de la mort. Bastien correspond au soldat blessé dans l’âme avec qui on peut avoir des discutions profondes, un amour pur et une souffrance permanente.

En fait, il ne se passe pas grand-chose pendant les 600 pages. Le livre raconte le quotidien d’une guerre qui n’en est pas une et d’un semblant d’histoire d’amour imprégné par la consommation de drogues. Dans le milieu plus ou moins protégé des expats, on ne reconnaitra pas ici la recherche de sécurité, ni de nourriture ni d’eau. Dans ces cafés où on boit de l’alcool sans problème et ou les personnages peuvent se procurer du camembert tous les jours, l’ennui comble les actions kamikazes pour tuer le temps ou par simple besoin de se sentir exister. Ou, comment définir « rouler à fond en moto dans une zone à 10km/h autorisé, surveillée par des soldats armés qui ont le droit de tirer » ?

Le récit est entrecoupé d’interviews que la journaliste doit fournir, même si elle se qualifie elle-même de touriste sans envie de rentrer. Au cours des excursions, quelque explosion de bombe ou attaque de convois apparaissent mais le seul danger surgit lorsqu’un américain veut la tête de Robert, ce qui n’a définitivement rien à voir avec cette guerre là. A travers ces interviews, le lecteur apprendra plus sur la vision de la situation des afghans eux-mêmes. Les propos de ce prince (page 263) qui résume l’arrivée des hippies et leur apport d’idées communistes, les instabilités politiques et les émigrations, sont rapportés dans ce roman : correspondent-ils à la réalité d’un discours ou à une fantaisie de l’auteur ?

Les soldats, envoyés en mission de paix et non en guerre (contradictoire avec le titre), ne veulent pas « mourir pour rien », ou juste pour « faire accepter nos libertés ». Le titre parait aguicheur et accrocheur, en action marketing pour ce premier livre de l’auteur. La journaliste finit par justifier qu’elle préfère l’ambiance tendue de la guerre plutôt que le traintrain quotidien de métro-boulot-dodo et, comme le signale Robert, à quoi sert la vie, si ce n’est que « pour payer un crédit 30 ans, et finir en maison de retraite ». Là est tout le « aime la guerre », dans le sens « aime l’Afghanistan » ou « déteste la vie de paix ennuyante » : elle y préfère la vie enivrante, dans le risque, la vie qui prend une autre dimension, donne un sens. On se sent vivant quand on combat contre la mort.

Pourquoi avoir fait un roman de son voyage en Afghanistan ? L’auteur, en tant que journaliste, aurait pu rassembler toutes les interviews dans une analyse socio-politique du pays, un bilan des dernières années. Sur la piste du roman, le lecteur ne sait pas sur quel pied danser… L’histoire, même avec une course-poursuite du tueur d’élite, est trop ennuyante et trop entrecoupée d’articles journalistiques, qui eux-mêmes ne sont pas pris au sérieux parce que sous la forme du roman, on peut faire dire aux personnages ce que l’on veut. Y aurait-il fallu référencer les sources en annexe ? Dans un article du monde, l’auteur précise que le choix du roman « sauve les gens qu’elle a connu là bas ». (http://lemonde.fr/livres/article/…)

Après avoir refermé ce livre, me reste le goût amer de cette guerre tellement liée au fric, à la corruption, et sans issue.

Le gout des soldats ou des mercenaires qui se foutent de la cause et tuent simplement parce qu’ils aiment ça, le risque.

Et aussi, le dernier goût amer, lié à ces différentes vues du monde que certains pays se sentent obligés d’apporter et d’imposer ailleurs...