Le profanateur
de Philip K. Dick

critiqué par AmauryWatremez, le 30 décembre 2013
(Evreux - 54 ans)


La note:  étoiles
Le « 1984 » de Phil Dick
Dans ce livre, Philip K. Dick décrit une des dystopies dont il a le secret, les sots n'y verront qu'une anticipation qui serait maintenant une uchronie, les lecteurs avisés comprendront que comme d'habitude, l'auteur d'« Ubik » parle en fait de notre société et de ce qu'il avait entrevu de notre présent. Comme d'habitude chez Dick, on ne sait pas comment fonctionnent ses « mobilos » qui transportent les personnages, on ne sait pas à quoi cela ressemble, on ne sait pas ce qu'est exactement un « conapt » et les robots nécessitent encore des bandes magnétiques comme les ordinateurs de « Vermilion Sands » chez Ballard, mais ce n'est pas le plus important.

En 1987 a eu lieu sur terre une guerre nucléaire atroce qui a détruit quasiment toute l'humanité, celle-ci s'est reconstruite grâce à un certain Major Streiter et son idée d'un « Réarmement Moral » ou « Rémor » devenu le nombril, l '« omphalos » de la nouvelle société, représenté par un monument, une « spire », au milieu de Newer York, la capitale de ce monde, spire qui s'agrémente d'une statue du fameux « major ». Le rêve de chaque personne dans cette société est d'obtenir par leur comportement « exemplaire » un bail, un logement, le plus proche possible de ces deux édifices quitte pour cela à dénoncer leur voisin « pour son bien » encore.

Cette nouvelle humanité a colonisé l'espace, répandant partout cette société virtuellement idéale, mais morne, grise et qui renie l'humanité dans ce qu'elle a de plus précieux.

Le « Rémor » se caractérise par une transparence délirante, les individus sont tenus de livrer tout de leur vie personnelle aux autorités et à la communauté, sous le prétexte habituel qu'ils ne doivent pas avoir peur d'être surveillés s'ils n'ont rien à se reprocher, n'est-ce pas ? Les personnes dans ce roman de Dick le font d'ailleurs sans aucune question ni états d'âme, pour eux cela va de soi.

C'est une société hyper-politiquement correcte où le moindre propos qui risquerait de blesser quelqu'un, fût-ce anodinement est immédiatement sanctionné. Les réfractaires, ou « neupses », sont envoyés dans des prisons mentales sur Sirius, planète lointaine, où ils sont soignés, « pour leur bien » toujours, par des psychanalystes assermentés.

Des petits robots, des « juvéniles » épient chaque personne avec son consentement. L'individu n'est considéré que s'il a une utilité pour la société, la littérature comme dans tout régime totalitaire est perçue comme inutile voire comme de la pornographie, une occupation de dangereux oisifs hédonistes. Rappelons que dans notre société nul besoin de « juvéniles », Internet et l'usage intensif des « smartfônes » font aussi bien l'affaire.

Faire usage de son libre arbitre et d'un esprit critique, d'indépendance d'esprit, sont des fautes morales graves contre la communauté, contre le groupe, toutes choses qui entrainent la suspicion d'associabilé, de réaction et j'en passe.

L'histoire commence en 2114 et suit Allen Purcell, jeune cadre ayant réussi dans cette société du « Rémor », auteur de nombreuses émissions de télévision, de divertissement et d'informations le propageant, mentant en toute quiétude aux masses, spécialiste du « storytelling » sur commande (comme nombre de journalistes et « pubards » de notre monde). Alors qu'il est tout proche de voir sa carrière consacrée par un bail accordé tout près de la Spire et un travail dans une agence de propagande officielle, il commet un acte libre, et amusant, qui fait vaciller la société du « Rémor » sur ses bases. Lui-même ne sait pas pourquoi il a fait cela, ne le comprend pas, ne sachant pas ce qu'est la liberté.

Grâce à la « fille brune » que l'on trouve dans tous les romans de Philip K. Dick, il finira par comprendre, tournant une dernière fois en ridicule le Rémor, et alors qu'il a la possibilité de s'enfuir, restera sur terre pour affronter le pouvoir, et – peut-être- en finir avec lui...