Benoît XV 1914-1922
de Marcel Launay

critiqué par JulesRomans, le 23 janvier 2014
(Nantes - 66 ans)


La note:  étoiles
Le pape de la Première Guerre mondiale, une fois l’heure des canons fumants close, canonisa Jeanne d’Arc
C’est le pape qui réintroduit énergiquement l’Église catholique dans le domaine des relations internationales qu’elle avait partiellement quitté depuis la date de son isolement en la cité du Vatican. Toutefois Giacomo della Chiesa en tant que minutante à la Curie romaine avait déjà une expérience en ce domaine puisqu’il avait participé à la négociation entre l'Allemagne et l'Espagne au sujet des Îles Carolines qui voit l'Espagne les vendre au Reich pour 25 millions de pesetas (ultérieurement japonaises puis américains et enfin indépendantes).

Héritier de la pensée de Léon XIII et du secrétaire d’état de celui-ci à savoir Mgr Rampolla, il est élu contre les fidèles du pape précédent Pie X (très rigoristes en matière doctrinale). Il solde la crise moderniste et dissout le mouvement intégriste de la Sapinière de Mgr Benigni. On connaît d’ailleurs l’action de ce réseau par le fait que les Allemands en 1915 saisirent en Belgique nombre de documents qui en émanaient. Les lecteurs belges seront heureux d’apprendre que ce mouvement qualifiait Mgr Mercier de Malines de "louche, connu comme lié avec tous les traîtres de l’Église". Le pontificat de Benoît XV est marqué par la promulgation du nouveau Code de droit canonique en 1917, un acte majeur dans la centralisation du pouvoir pontifical. Il est à l’origine de la création en 1917 de la nouvelle Congrégation pour l’Église orientale.

L’introduction nous rappelle que « l’appel du 1er août 1917 a souvent été considéré comme l’acte le plus important du pontificat » (page 7). Ce texte, comme une petite vingtaine, est reproduit intégralement, nous avions déjà signalé ici qu’Aloyse Stauder le donnait dans "Un Lorrain dans la tourmente". Cette partie d’une bonne soixantaine de pages est sûrement la plus intéressante pour le lecteur qui a une culture historique. On y voit que l’un des points où il y eût incontestablement union sacrée fut celui que Benoît XV était un "pape boche".

En fait un seul chapitre interroge sur les actions du souverain pontife durant la Grande Guerre. Le Vatican est absent dans la négociation que la signature des traités. Benoît XV regrettait la disparition de l’Autriche-Hongrie et déclara que :

« l’histoire serait bien obligée de reconnaître un jour que la nouvelle carte de l’Europe avait été dressée par un fou ».

D’autre part, en lien avec le nouvel ordre international qui s’instaure, un chapitre intitulé "De la romanité à l’universalité" traite en particulier des repositionnements des états italien, allemand et français vis-à-vis du Vatican. Certains retiendront que:

« le 16 (mai 1920), la France faisait un geste particulièrement apprécié par le Vatican, l’occasion de la canonisation de Jeanne d’Arc, envoyant à Rome un ambassadeur extraordinaire en la personne de Gabriel Hanotaux à la tête de 80 parlementaires, 70 évêques et de 50 000 pèlerins ».

Dans cette partie suivent des questions concernant la place du catholicisme en Irlande et dans une Europe à la frontière du bolchévisme. Le Vatican aurait aimé voir naître un état ukrainien qui aurait compté un nombre non négligeable d’uniates et par ailleurs des orthodoxes en manque de référents indigènes (conséquence des guerres extérieures et civiles) et c’est là un des points du chapitre quatre.

Si l’absence de notes en bas de pages (ou en fin d’ouvrage) peut permettre d’accrocher un lectorat potentiel qui en aurait été écarté par sa présence, il rend le contenu peu utilisable pour l’historien. Heureusement un index des noms de personne, appréciables par tous, est présent. Une connaissance par l’auteur de certains ouvrages parus en italien aurait permis un apport plus radical sur la question. On devra attendre la parution d’un livre d’Yves Chiron pour en savoir un peu plus sur certaines actions de Benoît XV.