Marie qui louche
de Georges Simenon

critiqué par Catinus, le 23 décembre 2013
(Liège - 73 ans)


La note:  étoiles
Du costaud
Marie et Sylvie se connaissent depuis qu’elles sont petites. Elles travaillent comme servantes, en province, et habitent la même chambre. Jusqu’au jour où elles décident d’aller à Paris, espérant secrètement améliorer leur statut, leur ordinaire et, qui sait, trouver un homme à marier. Marie louche et Sylvie a de beaux seins. Elles se perdront de vue pendant 23 ans jusqu’au jour du défilé de la Victoire, à Paris, en 1945, puis en 1950. Marie est toujours boniche. On dirait qu’elle a appris à vivre. L’amant de Sylvie, qui se meurt, lui lègue un important héritage mais elle est « fatiguée, fatiguée «. Est-ce par jeu qu’elles se disaient, jadis : « L’une sera une grand dame, l’autre sa servante « …. Un jeu qui finira par devenir une destinée …
Se lit très agréablement. Et c’est du costaud ! ! !

A la lecture de ce roman, m’est venue une réfection … Au fond, Simenon n’a-t-il pas écrit des mélodrames ? Définition : « drame populaire caractérisé par le pathétique, le sentimentalisme et des situations invraisemblables «. Possible ! Mais tous les romans ne sont-ils pas, au fond, des mélodrames ? Et la peinture ? Le cinéma ? La musique ? Notre vie, elle-même, n’est-elle pas un mélodrame ?

Vive Simenon, en tout cas !


Extraits :

- Elle était fatiguée à en mourir. Il y avait bien longtemps qu’elle allait, toute seule, debout, tendue, sans rien pour l’aider, pour la soutenir, vers un but qu’elle s’était fixé une fois pour toute. Jamais de sa vie, ne fut-ce que pendant quelques minutes, elle n’avait fait ce qu’elle aurait aimé de faire, jamais elle ne s’était détendue. Elle avait tout accepté. Tout ce qui était nécessaire. Sans rechigner. Sans dégoût. En tout cas, sans jamais laisser voir son dégoût, sans l’admettre. Pourquoi maintenant, ajoutait-on méchamment des minutes aux minutes.

- Le monde s’était réduit à l’hôtel de l’avenue Foch et, de l’hôtel même, il ne restait plus qu’une chambre où une femme buvait en évitant les regards de l’autre et où, le soir, dans leur lit, elles épiaient leur souffle comme si elles avaient peur de se perdre.