Exhortation apostolique du Saint-Père François : La joie de l'évangile
de Pape Francois

critiqué par Saint Jean-Baptiste, le 21 décembre 2013
(Ottignies - 88 ans)


La note:  étoiles
Gants de boxe et boulets de canon !
Le monde attendait dans la fébrilité les premiers écrits du Pape François. Nulle doute qu'il ne sera pas déçu. Pour la première fois qu'il prend la plume, le Pape a choisi le genre qui convient le mieux à son style : l'exhortation ; et elle s'adresse aux prêtres aux évêques et aux fidèles laïcs, bref à tout le monde – ou presque.

D'emblée le Pape nous dit qu'il en a assez de voir les chrétiens avec, constamment, « une tête d'enterrement » ! Tous les chrétiens, nous dit-il, doivent annoncer les Évangiles et les Évangiles c'est la Bonne Nouvelle : « il est temps que les chrétiens retrouvent la douce et réconfortante joie d'évangéliser ». Qu'on se le tienne pour dit !

On est loin du style ampoulé qui a toujours caractérisé le Vatican. Le Pape a enfilé ses gants de boxe et les coups sont pour tout le monde. A commencer, pour les prêtres : « ...il est temps que le monde puisse recevoir la Bonne Nouvelle, non des évangélisateurs tristes et découragés, mais de prêtres dont la joie rayonne de ferveur et qui possèdent en eux la joie du Christ ! ».

Le pape insiste constamment sur la joie des Évangiles. Le mot « joie » revient à tous les paragraphes du début de son exhortation. Et les chrétiens, nous dit-il, ont le devoir d'annoncer la Bonne Nouvelle, « pas comme un devoir qui s'impose, mais comme une invitation à partager leur joie ; sans prosélytisme, et pas seulement entre eux, mais avec tous ceux qui désirent et attendent de connaître la joie des Évangiles ». Donc, il est plus que temps, que l’Église, les Évêques, les prêtres et les fidèles renouent avec le mandat missionnaire de Jésus : « allez annoncer la Bonne Nouvelle à toutes les nations pour que la foi se répande en touts points de la terre ».


« La chrétienté n'a pas tant besoin d'une grande administration que d'un état permanent de mission », nous dit François. Ceux qui lisent entre les lignes auront compris que le Pape prépare quelques simplifications dans la grande administration qu'est l’Église.
Plus loin les coups sont plus directs : « la chrétienté nourrit un désir impatient de renouvellement et de correction des défauts dans l’Église ». La Curie romaine n'a qu'à bien se tenir ! Cette fois c'est certain, le Pape nous prépare des grandes réformes.

Il y a toujours eu deux tendance dans l’Église : l'une qui dit que Pierre était le chef hiérarchique de l’Église universelle et l'autre qui dit que Pierre était l’Évêque de Rome et que tous les apôtres étaient détenteurs du message divin dans leur territoire.
La première tendance a été renforcée par Paul VI et Jean-Paul II ; mais c'est nettement vers la seconde tendance, « la décentralisation », que se dirige le Pape François. Cette décentralisation est le souhait le plus cher des Évêques d'Amérique latine, d'Afrique et d'Océanie, et on devait s'y attendre, puisque le nouveau Pape est un Latinos. Si je peux me permettre un avis personnel, ce serait un très grand bien.


Mais, bien entendu, ce qui passionnera les foules, c'est le chapitre suivant où le Pape aborde la charité et la justice qui, pour lui, à l'instar de saint Thomas d'Aquin, doivent passer sur le même pied que la doctrine.

Et là, dans son style de boxeur – toute proportion gardée – il y va fort ! A tel point que très à l'Est et même ici sous nos latitudes, on n'a pas hésité à proclamer « le nouveau Pape est communiste » ! Et, de fait, si le communisme n'était pas matérialiste et athée, on pourrait penser que le Pape affectionnerait cette idéologie !
Sans aucun a priori, il pourfend les inégalités du monde d'aujourd'hui. Il condamne sans rémission la Mondialisation du consumérisme et du désir de richesse, de l'égoïsme et de l'indifférence. Il nous rappelle avec force les paroles des Évangiles qui nous disent de nous tourner vers les pauvres, les infirmes, les oubliés, les méprisés : « les pauvres sont les destinataires privilégiés des Évangiles ».
« Nous sommes devenus incapables, nous dit-il, d'éprouver de la compassion devant le cri de douleur des autres, les drames des autres ne nous troublent même plus ».
Il condamne sans répit la sacralisation des pouvoirs économiques, le mythe de « la main invisible » et de la « rechute favorable » de la croissance, qui produit à la fois tant de richesses à certains et tant de misères à d'autres.

Mais tout ce discours n'est pas nouveau. Les papes précédents n'ont jamais rien dit d'autre. Ce qui est nouveau, c'est le style en boulets de canon. Un style qui fait l'homme. Et on sent l'homme résolu à bousculer les choses.


Le Pape n'hésite pas à s'en prendre à l'Islam. En le nommant, ce qui est nouveau : « je prie les pays de tradition islamique pour qu'ils donnent la liberté aux chrétiens de célébrer leur culte et de vivre leur foi, comme les croyants de l'Islam jouissent de la liberté dans les pays occidentaux ».
Voila qui va enfin faire du bien aux malheureux martyrs chrétiens de ces pays, berceau du christianisme, et conquis par les Arabes au fil des siècles pour le malheur du monde d'aujourd'hui. Mais il est fort à craindre que ces barbares massacreurs ne comprennent que la raison du plus fort. Ensuite, le Pape ne manque évidemment pas, de leur rappeler qu'une saine interprétation du Coran s'oppose à toute violence.


Le Pape aborde encore tous les autres sujets de société : la science, le progrès, la communication, les conflits du monde et les conflits religieux, la corruption, l'urbanisme, l'écologie et l'avenir de la planète... En gros, tout ce qui ne tourne pas rond dans notre monde matérialiste et en perte de valeur.
Comme ses prédécesseurs, il s'attaque fortement à cette nouvelle mode de « la spiritualité sans Dieu » qui, pour lui, est la conséquence de la société de consommation, de l'individualisme et « de la grande souffrance d'une humanité qui cherche des solutions immédiates à ses propres besoins ».


Dans l'ensemble, j'ai admiré la lucidité du Pape et sa grande connaissance du monde. J'ai apprécié la force et la puissance de son style. Si je pouvais faire un reproche, je dirais que cette exhortation aborde trop de sujets : il aurait dû parler, soit du nouveau besoin d'évangélisation dans le monde, soit des réformes nécessaires dans l’Église, soit des affaires du monde qui le rendent de plus en plus injuste et angoissé. Il m'a semblé que tout aborder à la fois, c'était un peu trop.
Mais peut-être que notre nouveau Pape a voulu dire, en une fois, tout ce qu'il avait sur le cœur, sans les pompes habituelles des écrits pontificaux, et en attendant de passer à l'action ; il est visible, en tout cas, que dans certains chapitres, il pose les premiers jalons des réformes qui, espérons le, feront repartir l’Église du bon pied.