Vers le sud
de Dany Laferrière

critiqué par Libris québécis, le 13 décembre 2013
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Peau blanche en quête de peau noire
Comme Frédéric Beigbeder, Dany Laferrière a aussi traité du tourisme sexuel. En 1997, le nouvel académicien écrivait La Chair du maître. En 2006, Grasset et Boréal rééditaient cette œuvre remaniée que l’on a intitulée Vers le Sud. L’auteur aborde le sujet sans pudibonderie. Ce ne sont pas les scènes d’alcôve qui manquent.

Le roman, déjà porté au grand écran, raconte les péripéties de dames blanches aisées à la veille de leur ménopause. Peuvent-elles encore séduire de beaux jeunes mâles bien râblés ? De Montréal ou de New York, elles accourent vers la perle des Antilles pour succomber aux charmes exotiques de la chair noire. Sous la lumière cuisante d’Haïti, la chaleur tropicale, loin de les retenir, les pousse à profiter de la source de jouvence coulant à même les lèvres de pubères récemment nubiles. C’est le triomphe du corps que l’on prête aux plus offrantes le temps d’un séjour.

Dany Laferrière ne ferait pas partie de l’Académie française s’il portait uniquement l’étiquette d’auteur de romans érotiques. S'ils sont appréciés à travers la francophonie, c’est qu’il a su mettre le doigt sur la dynamique charnelle qui anime les jeunes fauves à la peau noire.

Ces Haïtiens sont en quête de valeurs. Dans le pays de la dépossession, l’argent devient la pièce maîtresse dans la hiérarchie des statuts recherchés. Et l’intimité procure aussi la satisfaction d’être reconnu comme un individu aux potentialités appréciables. Ça flatte l’ego, mais il reste que le mercantilisme sexuel ne comble que des manques à court terme. Ces rapprochements noirs-blanches s’inscrivent dans le créneau d’une sexualité captieuse, où les jeunes Haïtiens sont considérés comme « la chair du maître », tel que le laissait entendre le titre de la première édition.

C’est ce que j’ai compris en lisant Vers le Sud, un roman qui ressemble à un recueil de nouvelles, dont le style lapidaire peut inciser la conscience de ceux et celles qui ont des préoccupations plus sociales que personnelles.