Le gamin de la rue Dutertre
de Jacques Cousin

critiqué par CHALOT, le 8 décembre 2013
(Vaux le Pénil - 76 ans)


La note:  étoiles
Le vrai et la tendresse
« Le gamin de la rue Dutertre »
Entre chaussures et sabots
Livre de Jacques Cousin
Editions du Petit Pavé
Octobre 2013
251 pages
20 €
UNE ENFANCE MAYENNAISE

Il n’y a ni intrigue, ni suspense….Ce n’est pas non plus une autobiographie classique.
L’auteur, instituteur en retraite, hommes de lettre et d’histoire (s) locale(s) raconte son enfance à Ernée petite ville mayennaise.
Il nous plonge dans la Mayenne dite profonde aux confins de la campagne et de la petite ville où règne après la Libération cette industrie de la chaussure qui va réussir à se maintenir avant de disparaître à la fin des trente glorieuses.
Ceux et celles qui sont nés avec l’ordinateur découvriront à la lecture de ce livre, un monde oublié, celui de l’enfance de la génération des retraités d’aujourd’hui…On ne mangeait pas de la viande tous les jours, l’eau courante n’existait pas, il fallait partir au centre du bourg pour tirer l’eau….quant à la télévision, seuls les riches en possédaient une, celle à une seule chaîne….
En ce temps-là, les enfants-surtout les garçons- passaient leur jeudi après- midi à courir dans les champs, à vivre en bandes…l’essentiel étant de revenir avant 19 heures pour éviter la « rouste » inévitable. On ne plaisantait ni avec la discipline, ni avec le respect, ce qui n’empêchait pas les enfants de faire des bêtises.
Le petit Jacques n’est pas un garçon facile, il est turbulent chez lui, dans la rue et à l’école. Certaines anecdotes racontées dans ce livre sont par ailleurs amusantes et parfois croustillantes.
Les guerres scolaires, peu ou pas présentes en Région parisienne ou dans d’autres régions sont ici, bien réelles. Ce n’est pas la guerre des boutons entre deux communes proches mais une guerre interne entre les « Prouts » ou Chouans fréquentant l’école privée catholique et les « Rouges » de La laïque.
« Tout se passait comme si une cloison étanche avait séparé deux l’agglomération entière. Les familles ne se fréquentaient guère qu’entre gens du même bord »
Entre les adultes et entre les enfants, c’était l’affrontement. Il suffisait de très peu de chose : un geste, un regard et c’était la bataille rangée : « Une petite demi-heure d’échanges de coups de poings, d’insultes et de crachats. »
Ce livre de souvenirs est bien agencé, le lecteur a l’impression d’être à la fois dans un roman et à la fois dans un livre de sociologie bien écrit et passionnant.
On retrouve un monde moderne qui se construit peu à peu à la sortie de la guerre de 40 et un monde rural très marqué par les superstitions et les coutumes.
C’est la Mayenne racontée avec goût, talent et une pincée de tendresse ….
De la nostalgie ? Non ! plutôt l’envie de transmettre une page d’histoire…
Je n’attends plus que la suite.

Jean-François Chalot