Journal, VI : Lumières d'automne: (1993-1996)
de Charles Juliet

critiqué par Cyclo, le 30 novembre 2013
(Bordeaux - 79 ans)


La note:  étoiles
Un homme vrai
Le tome 6 du "Journal" de Charles Juliet montre son avancée dans son introspection et la sortie du tunnel, maintenant qu'il a à peu près surmonté son angoisse devant l'écriture, aussi bien que devant son passé douloureux.
Comme tous les autres volumes, "Lumières d'automne" (l'auteur est à l'automne de sa vie) est un entremêlement de notations quotidiennes, voire anecdotiques (rencontres, choses vues, entendues) et de signalement de ses déplacements, de ses lectures, du surgissement de l'écriture aussi (quelques poèmes de-ci de-là).
Quelques extraits :
10 février 1993 : La pire des solitudes, c'est être coupé de soi-même, c'est vivre dans l'ignorance de ce qui nous gouverne, c'est ne rien comprendre à ce que nous sommes. La plupart des hommes sont dans ce cas.
12 mars 1993 : La passion de la lecture est apparue en moi quand j'ai commencé à écrire, quand j'ai pris conscience de mon inculture et de mon ignorance. Heureux que je suis que cette passion ne se soit pas éteinte, que cette faim ne soit toujours pas rassasiée.
30 avril 1993 : Quand on est porté par une passion qui n'est pas partagée, quand on vit et pense selon des valeurs autres que celles qui prévalent dans la société, comment ne pas être acculé au retrait, à la solitude ? La honte que j'avais à me sentir différent.
Été 1993 : La profonde solitude que connaissent certains êtres au sein d'un couple ou d'une famille.
19 janvier 1994 : Le seul vrai problème auquel chacun ait à donner une réponse est d'ordre moral : suis-je capable de respecter autrui ? Suis-je capable de la traiter en égal ? Suis-je capable de ne pas vouloir l'exploiter, que ce soit psychologiquement ou économiquement ?
5 mai 1994 : notre civilisation. De plus en plus matérialiste, impitoyable, inhumaine, elle est victime du cynisme et de la voracité de ceux qui se sont emparé des commandes.
J'ai veillé à ne pas me laisser gangrener par les valeurs qui prévalent dans notre société, et je m'applique à vivre sans ajouter à la confusion, sans nuire si peu que ce soit à autrui, sans être de ceux qui ne pensent qu'à eux-mêmes.
2 janvier 1996 : Bien souvent, ceux qui possèdent un savoir en usent pour dominer. […] tout savoir ne devrait pourtant servir qu'à élaborer, puis toujours plus perfectionner un savoir-comprendre, un savoir-vivre, un savoir-aimer.