Sainte famille
de Xavier Mussat

critiqué par Blue Boy, le 25 novembre 2013
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
Un combat ordinaire mais courageux
« Ça m’a sauté au visage à vingt neuf ans : le père que j’avais si longtemps chassé de mon esprit au point de m’en défaire attendait que je me réveille. » C’est sans doute ce qui a poussé l’auteur à réaliser cette bédé autobiographique, où il évoque son adolescence difficile de garçon timide et complexé dans une famille « catho de gauche », ses rapports orageux avec ce père qui se voulait pourtant libéral et qui finit par quitter le cocon familial alors qu’il était encore au collège. Le fils mettra longtemps à lui pardonner son acte, obligé de gérer son délicat passage à l’âge adulte avec pour seul modèle une mère à l’amour étouffant à laquelle il voue une admiration sans bornes…

Choisie un peu au hasard dans ma médiathèque, cette bédé publiée en 2002 est une très bonne surprise. Xavier Mussat est un auteur quasiment inconnu, et c’est dommage car il possède un talent graphique indéniable qui évoque beaucoup David B. Comme David B., son style est un peu naïf et il recourt au noir et blanc. Comme David B., il fait dans l’autobiographie (« L’Ascension du Haut mal ») pour mieux exorciser ses démons et n’épargne personne, à commencer par lui-même.

Il fait partie de ces auteurs de BD (avec David B. donc) à considérer le champ introspectif comme une terre à explorer, et cette terre, gardée par des créatures monstrueuses, recèle quelques trésors qui valent l’aventure... Mussat sait parfaitement nous emmener dans son univers intérieur, sombre et déprimant au premier abord mais qui s’avère d’une richesse étonnante à la beauté onirique. A la façon des alchimistes des temps médiévaux, il parvient à transformer le plomb en or pur, une opération qui requiert son lot de souffrances et de combat intérieurs. D’ailleurs, en parlant de combats, cette quête identitaire nous rappelle aussi celle de Larcenet et sa façon d’aborder les rapports familiaux. Car il en parle beaucoup de ses parents. Des parents qu’il tend à accuser, d’une façon ou d’une autre, d’être la cause de son mal-être présent. Pour réaliser, au bout du chemin, que lui aussi a sa part de responsabilité. Et que ses parents ne sont en fin de compte ni des dieux ni des saints, seulement des êtres humains.

Les textes (le plus souvent un monologue intérieur) permettent à l’auteur de révéler ses qualités littéraires qu’il préfère masquer sous une calligraphie enfantine. A l’instar de son dessin, une volonté touchante de ne pas faire faire partie du monde des adultes, et pourtant une œuvre tout à fait adulte de par le courage et la lucidité dont Xavier Mussat fait preuve. Une œuvre ultra-sincère et sensible qui devrait parler à chacun d’entre nous, inévitablement.