L'histoire de Bruno Matei
de Lucian Dan Teodorovici

critiqué par Pucksimberg, le 4 décembre 2013
(Toulon - 44 ans)


La note:  étoiles
Un amnésique, une marionnette et un agent de la Securitate
20 années oubliées. C'est ce qui déséquilibre l'existence de Bruno Matei qui n'a plus accès à certains de ses souvenirs. Quelques souvenirs survivent : ses parents, l'Italie, une phrase sur les marionnettes, une voix aussi ... Le camarade Bojin, un agent de la Securitate, le suit de près, le guide, le modèle à sa manière. En effet, Bruno Matei, surnommé le brun, a fait de la prison, a connu les camps de redressement mais il ne sait même plus pour quelle raison. Est-ce réellement pour une raison importante ? La seule chose qu'il sait, c'est qu'il doit œuvrer pour le bien de son pays et ne pas faire de vague. Bruno chemine dans la Roumanie des années 50 avec Vasilacke, une marionnette et côtoie la sympathique Eliza, qui semble l'inciter à quitter la Roumanie et à gagner l'Italie.

Les chapitres ne sont pas chronologiques, suivant peut-être les difficultés du personnage principal à se remémorer son passé et à comprendre ce qui lui arrive. N'ayez crainte ! Le lecteur se repère facilement dans ces sauts temporels. Bruno Matei, semble lui-même une marionnette entre les mains de la Securitate et du pouvoir roumain. Le lecteur découvre avec inquiétude la vie dans ces lieux de redressement où les châtiments physiques et la pression psychologique sont utilisés et infligés quotidiennement. Certaines scènes sont tout bonnement révoltantes et difficiles à lire. La naïveté de Bruno Matei désamorce souvent ces scènes de tension et son regard sur cet univers rend d'autant plus forte la critique qu'il ne la juge pas lui-même. Il fait uniquement des constats. Cette manière d'accepter, ou plutôt d'admettre ces faits parce qu'il n'a pas le choix, cette froideur et cette neutralité ne font qu'accroître ce sentiment de révolte éprouvé par le lecteur.

Le roman est centré sur ces trois personnages : Matei l'amnésique, Bojin au comportement trouble capable du pire comme du meilleur et Eliza la copine du personnage principal.
On découvre au compte-gouttes certains épisodes du passé de Matei et le suspense est bien entretenu. Certaines scènes sont marquantes et interviennent souvent à des moments d'accalmie, du moins que l'on croyait plus calmes ...

Même si ce texte est un roman, il peut rappeler certains témoignages et démontre que Lucian Dan Teodorovici est bien documenté. Le roman est bien construit. Des liens sont créés entre les personnages et les marionnettes, entre le théâtre et les hommes. Les épisodes s'imbriquent les uns dans les autres pour constituer un tableau qui fait froid dans le dos.

Un roman réussi !