Moi et toi
de Niccolò Ammaniti

critiqué par Cyclo, le 24 novembre 2013
(Bordeaux - 78 ans)


La note:  étoiles
un adolescent pas comme les autres
Lorenzo a toujours été "différent" des autres enfants. Au point que ses parents - sa mère surtout, très inquiète de voir qu'il ne se fait pas de copains - lui font voir un psy. Adolescent, après un collège catholique qui lui laisse de très mauvais souvenirs, il entre au lycée public. Là, il continue à marquer sa différence, tout en faisant croire à ses parents que tout se passe bien. Quand il entend un lycéenne inviter quelques camarades pour une semaine de ski à Cortina, il en profite pour dire à sa mère qu'il est invité lui aussi. Comme il ne sait pas se tirer de ce mensonge, il fait croire qu'il est parti et part s'enfermer dans la cave pour une semaine, avec sa console de jeux, ses livres de Stephen King et des provisions qu'il a soigneusement prévues pour tenir le coup. Enfin tranquille ! Sauf que débarque sa demi-sœur (issue d'un premier mariage catastrophique de son père), Olivia, qu'il connaît à peine, qui a onze ans de plus que lui, et qui va mal, très mal...
Portrait d'un adolescent tourmenté, à la limite de l'autisme, et incompris de tous et qui, pourtant, va se révéler dans l'épreuve : il est le seul à pouvoir communiquer avec sa grand-mère cancéreuse ("C'est gênant d'être vu quand on va mal. Et quand quelqu'un est en train de mourir, il a envie qu'on le laisse seul") aussi bien qu'avec cette sœur impossible, elle-même en grand danger, et à l'aider - momentanément.
Très bon court roman sur l'adolescence difficile.
Une histoire de déclic... 6 étoiles

"Moi et toi", c'est l'histoire d'un déclic psychologique chez un gamin de quatorze ans qui, du jour au lendemain, va le faire basculer d'un comportement pathologique de repli sur soi diagnostiqué "dysfonctionnement narcissique", incapacité à "éprouver de l'empathie pour les autres" à un comportement dit "normal". On apprendra plus tard que son problème trouve sans doute son origine dans une expérience traumatisante vécue dans sa petite enfance. En dehors du cocon familial restreint, "le monde hors de chez soi" ne lui apparaît "que compétition, mortification et violence"; tout ce qu'il souhaite ou croit souhaiter, c'est qu'on le laisse tranquille, heureux dans la bulle de solitude qu'il s'est créée et dès lors les stratégies qu'il développe ne sont destinées qu'à donner le change pour paraître normal et se protéger.

Ammaniti déroule une intrigue peu probable (mais qu'importe, on joue le jeu) permettant la rencontre avec la souffrance de l'autre - en l'occurrence sa demi-soeur plus âgée, droguée, qu'il connaît à peine - une souffrance nettement supérieure à la sienne, paroxystique (la crise de manque) qui en générant l'angoisse, la peur de la mort de l'autre va avoir sur l'ado une vertu thérapeutique et déverrouiller ses blocages: "au fond de moi, quelque chose s'est brisé. Le géant qui me retenait contre sa poitrine de pierre m'avait libéré."

A mon sens, l'intérêt tient totalement dans ce cadre restreint: la description de l'avant et la mise en place et le déroulement de cet épisode générateur du déclic. De ce fait, je ne partage pas du tout les critiques émises à propos d'une suite frustrante par son absence et la fin évoquée me paraît dans l'ordre des choses hélas, triste et réaliste. A ce propos, l'auteur lui-même n'a-t-il pas anticipé et voulu désamorcer à l'avance ce genre de polémique en prêtant à un moment, à Lorenzo les propos suivants: "après un film, papa et maman discutent toujours de la fin, comme si l'histoire se résumait à çà et que le reste compte pour zéro."?

Par contre, il est vrai que je n'ai pas adhéré à la construction du récit basée sur le principe du flash-back coincé entre un prologue et un épilogue qui n'apportent pas grand-chose à mon sens, si ce n'est une certaine incohérence dans la mesure où le tout est confié à la voix du narrateur, "héros" de l'histoire. Autant cela se conçoit dans l'écriture cinématographique, autant ici la transposition littéraire du procédé sous cette forme ne m'a pas paru très judicieuse. Là où l'œil de la caméra objective d'une certaine manière la réalité qu'elle filme, tout est censé passer ici par la subjectivité du narrateur adulte. Or, on a vraiment le sentiment (et c'est une réussite à cet égard) d'être dans la peau d'un ado de quatorze ans avec son ressenti, son mode d'expression, etc...à tel point que j'ai eu parfois l'impression de m'être égarée dans la littérature jeunesse.

Je ne sais si c'est à ce décalage que je dois d'être restée un peu extérieure au récit même si l'histoire peut s'avérer émouvante et les deux personnages attachants.
Pour conclure: un petit ouvrage mêlant agréablement des notes légères à des notes plus graves, mais sans plus en ce qui me concerne.

Myrco - village de l'Orne - 75 ans - 6 septembre 2015


Quelle tristesse, la dépendence à la drogue... 7 étoiles

J'ai beaucoup aimé ce livre, car il met en lumière deux personnages, deux mal être, différents, et tellement liés. L'adolescent qui rencontre des difficultés pour s'intégrer avec ses camarades, et la grande soeur exclue du cercle famillial à cause de sa consommation de drogues (entre autres).

Ces deux personnages sont, chacun, emprisonnés à leur manière, aussi tristement qu'absurdement que le lieu dans lequel ils se rencontrent : la cave de leur immeuble. Coincés dans la cave de l'immeuble famillial, sans pouvoir en sortir, comme coincés dans leurs peines respectives.

C'est un bon livre, la fin est très dure et réaliste malheureusement. A varier avec un livre plus léger ensuite.

A noter qu'il existe un film qui reprend le livre, avec quelques adaptations. Le film porte le même titre que le livre.

Ben75011 - Paris 11e - 36 ans - 4 septembre 2015


Un court roman d'un grand auteur 8 étoiles

Niccolo Ammaniti est un nom d'écrivain que j'ai souvent entendu, un auteur qui m'a été conseillé par une amie, Myrto, et que je n'avais encore jamais lu. Très aimé en Italie, il est vu comme un écrivain qui est en train de construire une oeuvre de qualité.

Dans ce court roman, où tout est vu par un jeune narrateur, il est question du malaise d'un adolescent qui n'a pas d'amis, qui ne réagit peut-être pas comme tous les autres jeunes de son âge et qui a conscience de décevoir ou de faire souffrir son entourage, comme cette mère qui pleure de joie lorsqu'il lui annonce qu'il part à la neige avec des amis. Pur mensonge qu'il n'osera plus nier vu l'émotion forte exprimée par sa mère. C'est dans la cave, caché, qu'il restera durant ce voyage dont il est exclu.

Ce roman possède une certaine force. Derrière des mots simples, un regard parfois naïf, il parvient à toucher le lecteur et à susciter l'envie de connaître la suite. Ce n'est pas le récit d'une simple mésaventure enfantine, il y a la misère humaine qui transparaît derrière cette histoire : la maladie, la mort, la drogue, l'exclusion ... Il y a une certaine gravité dans le fond. L'écriture, simple, possède un caractère cinématographique, avec certains détails très visuels que l'on imagine complètement dans le cinéma italien actuel comme notre héros agenouillé qui doit faire une promesse à sa sœur en levant les yeux au ciel, euh au plafond.

Ce roman m'a donné très envie de lire d'autres romans de cet auteur !

Pucksimberg - Toulon - 44 ans - 10 août 2015


"Moi, j'ai l'ego grandiose !" 8 étoiles

Niccolò Ammaniti (1966- ) est un écrivain italien contemporain. Jeune prodige de la littérature italienne, il publie un premier roman, "Branchies", très rapidement adapté au cinéma. "Je n'ai pas peur", best-seller reçoit le prix Viareggio, l'un des plus grands prix littéraires en Italie et est adapté au cinéma en 2003.
"Moi et toi" (Laffont, 2012) sera adapté au cinéma par Bernardo Bertolucci.

Lorenzo Cuni, jeune adolescent solitaire, laisse croire à sa mère qu'il est invité à passer une semaine à Cortina avec quelques amis de lycée. Dans les faits, il n'en a jamais été question. Lorenzo est un timide asocial, "différent" mais ô combien lucide sur les grands enjeux de la vie.
Cette semaine de vacances, il va la passer à quelques mètres du domicile familiale; dans la cave de l'immeuble préalablement ravitaillée pour tenir le siège. L'enjeu sera de gérer le mensonge pour que sa mère ne se doute de rien.
Le plan va être très rapidement mis à mal par l'irruption inattendue d'Olivia, sa demi-soeur méconnue, qui semble aussi paumée que lui.
Dans cet espace exigu, ils vont apprendre à se connaître, s'apprivoiser et partager leurs secrets.

Un court et très émouvant roman sur l'adolescence et ses difficultés.
Difficultés à communiquer, à s'affranchir du "groupe" auquel il convient d'appartenir.
Difficultés à s'isoler dans un monde hyper connecté.
Difficultés à se sentir "différent".
Un roman poignant qui démarre comme une mauvaise blague de lycéen et qui bascule vers de vrais problèmes humains.
Une oeuvre profondément humaine qui me donne envie de découvrir cet auteur.

Frunny - PARIS - 59 ans - 27 juillet 2015


Partagé. 6 étoiles

Partagé je suis à la fin de ce très court roman. Une idée scénaristique originale et assez osée mais finalement peut-être pas assez assumée. Du coup, de l’improbable et du peu cohérent se mêlent au jeu.
Par ailleurs Niccolo Ammaniti oscille sans trancher vraiment entre fausse légèreté sur un vrai problème et fin carrément plombante. La toute fin choque par rapport à l’ensemble qui est traité assez légèrement.
Nous sommes à Rome et Lorenzo est un adolescent, vivant au sein d’une famille aisée, un adolescent à part, pas franchement inséré. Il ne se sent bien que solitaire mais on lui fait largement comprendre que ce n’est pas une situation « normale ». On, ce sont notamment son père, qui ne le considère pas, et sa mère pour laquelle il joue le jeu de l’adolescent qui a des amis et des occupations de son âge.
Il en vient à imaginer un truc très tordu, à la fois pour avoir la paix et pour faire celui qui a des amis. Ayant entendu des lycéennes – lycéens de sa classe s’inviter pour des vacances à la neige, il fait croire à sa mère qu’il est invité pour une semaine et se ménage pour l’occasion une espèce de « Fort Chabrol » dans la cave de son immeuble dans laquelle il a bien l’intention de passer la semaine. Nourriture, divertissement, tout est installé, planifié. Autant dire que c’est parfaitement improbable mais, bon … Et survient le grain de sable, l’arrivée de sa demi-sœur, punkie sévère qui a l’habitude de « taper » leur père. Niccolo Ammaniti va provoquer « quelque chose » entre les deux, bon … Et puis bing, une fin raccourcie, un flash dix ans après. Un changement de pied sévère …

Tistou - - 68 ans - 27 mai 2015


Huis-clos frustrant 6 étoiles

Lorenzo est un adolescent solitaire. Le constat clinique est clair : il est "...incapable d'éprouver d'éprouver de l'empathie pour les autres. Pour lui, tout ce qui est en dehors de son cercle affectif n'existe pas, n'éveille rien en lui."
Lorenzo en souffre, dès l'école, puis le collège et le lycée, même si en grandissant, il apprend à faire semblant. Mais il sait que sa mère souffre énormément de cette situation. Alors, en écoutant une conversation entre ses camarades, il s'invente un groupe d'amis avec qui il va passer une semaine aux sports d'hiver.
Sa maman est ravie.
Mais lui a tout organisé pour passer une semaine dans la cave de l'immeuble, jusqu'à l'auto-bronzant. La seule chose qu'il n'avait pas prévue, c'est l'arrivée de sa demi-sœur, droguée décidée à arrêter. Le face à face sera douloureux, puis évoluera vers une ébauche de fraternité qui obligera le jeune homme à réagir, à se transformer puis.... c'est tout !
On se retrouve 10 ans plus tard.
Et c'est là qu'intervient la frustration. Les pages relatant la rencontre entre le frère et la sœur sont, pour moi, les plus intéressantes et j'aurais aimé ne pas avoir à inventer une suite... malheureusement impossible.
Dommage, l'idée était excellente.

Marvic - Normandie - 66 ans - 8 février 2015


Adolescence difficile 9 étoiles

Le narrateur est un adolescent asocial et solitaire, à la limite de l'autisme, qui est réfractaire à toute affection hors de son cercle familial restreint. Pour éviter les problèmes, il adopte une stratégie de "mimétisme", en se fondant dans la masse il espère passer inaperçu et éviter les problèmes.

C'est un court roman très émouvant qui se lit d'une traite et avec beaucoup de plaisir.

Saule - Bruxelles - 59 ans - 7 février 2015


Huis clos décapant 6 étoiles

Lorenzo, fils d’une famille italienne nantie, fait croire à sa mère qu’il part pour un séjour de ski avec des amis mais en réalité il a organisé une réclusion dans la cave de l’immeuble où résident ses parents pour s’isoler du reste du monde pendant quelques jours. Lorenzo est un adolescent asocial couvé par sa mère qui ne correspond pas très bien à l’idée que son père se fait d’un fils digne de lui. « Moi, je ne suis pas un humain, je me dis, je suis un Gnuzzo, un animal très moche et très agile créé dans un laboratoire d’Ombrie, qui a un seul et unique devoir dans la vie avant de mourir de sa belle mort. Défendre la Terre d’une météorite mortelle ».

Sa réclusion prend une tournure inédite quand sa demi-sœur le rejoint, par hasard, dans la cave en un huis clos détonnant : un garçon asocial perdu entre ses jeux vidéos, ses romans fantastiques et la brutale réalité de l’actualité qu’il mélange pour créer un monde artificiel que lui seul comprend, et une jeune femme qui fut très belle mais désormais rongée par la drogue. Entre ces deux êtres naufragés sur les rives de la société bourgeoise romaine s’instaure une cohabitation houleuse qui prend une tournure différente quand les deux jeunes gens prennent conscience de leurs blessures respectives.

Quel dommage que l’auteur n’ait pas, à mon avis, su exploiter toutes les possibilités de ce huis clos qui tourne court trop vite et laisse le lecteur sur sa faim. Il reste tout de même un regard sans concession sur les enfants de riches qui ne trouvent pas leur place dans la société, qui ne parviennent pas à satisfaire leurs désirs en obtenant trop facilement ce qu’ils veulent et qui ne répondent pas aux ambitions que leurs parents formulent pour eux mais surtout à travers eux. Une diatribe sans fioriture jeté à la face de la société des nantis qui ne pense qu’à satisfaire son présent en essayant de fabriquer des enfants à leur image sans se préoccuper de leur avenir.

Débézed - Besançon - 77 ans - 31 janvier 2015


Retrouvailles 5 étoiles

Le fil narratif, pour improbable qu’il peut paraître, est assez séduisant cependant, et sert plutôt bien le propos de l’auteur qui est d’aborder le mal être de toute une jeune génération et d’évoquer ses difficultés d’adaptation à la société dans laquelle elle vit.

Le roman de Niccolò Ammaniti est habilement construit. D’abord parce que le choix par l’auteur d’un cadre serré d’une unité de lieu (la cave de l’appartement familial), de temps (une semaine) et d’action (la rencontre de Lorenzo et d'Olivia) s’accorde intelligemment à la dramaturgie du récit. Ensuite parce que l’émotion, qui s’exprime à travers la rencontre incongrue de ce frère et de cette sœur presque inconnus l’un à l’autre, est bien dosée, sobre, et pudique.

Malgré tout, et même si le récit possède un rythme et une fluidité qui en fait une lecture très plaisante, je dois dire que la prose du roman, assez commune, m’a laissé un peu sur ma faim et ôte une partie de l’intérêt que j’ai pu trouver à ce roman.

Fanou03 - * - 49 ans - 15 janvier 2015


L‘introverti dans sa bulle 7 étoiles

Court texte porté par un adolescent en mal de vivre. Le garçon ne se reconnait pas dans les gens qui l’entourent et s’isole de plus en plus au point d’inventer une sortie de ski et passer plutôt son temps caché à la cave. Ce n’est qu’à l’apparition d’une sœur inattendue qu’il découvrira enfin une raison de socialiser.

La dynamique entre les deux personnages est assurément l’aspect le mieux réussi. En quelques pages, l’auteur établit une forte ambiance de claustrophobie et parvient à faire surgir l’émotion. Un bon roman mais beaucoup trop court pour laisser une trace indélébile.

Aaro-Benjamin G. - Montréal - 55 ans - 9 novembre 2014