Fièvre romaine
de Edith Wharton

critiqué par Saule, le 14 juin 2003
(Bruxelles - 59 ans)


La note:  étoiles
La perfection
Cette courte nouvelle d'Edith Wharton (30 pages), est pour autant que je puisse juger, tout simplement parfaite. C’est la perfection au niveau de la trame, de la sensibilité et de l'écriture. Le grand frisson garantis.
Deux dames américaines, mûres et toute deux veuves, profitent de la vue du Palatin et du Forum par une belle soirée romaine. Une discussion tranquille, entre deux vieilles amies dont les vies se sont continuellement mêlées. Mais petit à petit la discussion prend un tour plus intime, une ancienne histoire refait surface, ... inutile d'en dire plus, c'est du tout grand art.
Je suis tombé par le plus grand des hasards sur cette merveille, alors que je m'abritais de l'orage chez un bouquiniste. Attiré par le prénom d'Edith (c’est celui de ma filleule de 6 mois), j'ai le sentiment de celui qui vient de déterrer un trésor dans son jardin et je suis un peu chagriné par les critiques de Jules et Féline sur d’autres de ses ouvrages. Je signale à tous hasard que cette même bouquinerie possède les trois premiers tomes de la tétralogie ÔLa mer de la fertilité’ de Mishima, en bon état et dans une belle édition (Etant déjà pourvu, je n’ai pas eu la perversité d’en acheter un quatrième exemplaire). La bouquinerie se trouve à Bruxelles, près du parvis Saintt-Gilles.
Mon édition ne contenait que la seule nouvelle 'Fièvre romaine', celle-ci étant épuisée je donne la référence d’un recueil du même nom. Les cinq étoiles sont bien évidemment pour cette seule nouvelle.
Une merveille, en effet ! 10 étoiles

Saule (qui n'avait lu que la nouvelle titre) et Kinbote ont dit tout le bien qu'il faut penser de "Fièvre Romaine", la nouvelle éponyme de ce recueil. Reste maintenant à rendre hommage aux autres nouvelles (avec une réserve peut-être pour "Graine de grenade", que j'ai moins aimé).

Edith Wharton exprime à la perfection une sorte de "non-dit", une cassure dans la vie d'un personnage, qui peut ressurgir du passé et empoisonner sa vie. Mais il y a toujours une ambivalence chez Wharton, une ambiguïté dans le destin de ses héros, comme si Wharton les plaignait mais les accusait en même temps. Ainsi la petite-fille du célèbre écrivain qui s'enterre sciemment dans un rôle de gardien de l'oeuvre de son aïeul.

Edith Wharton a écrit énormément de nouvelles, la qualité était fatalement inégale mais le recueil ici ne contient que du premier choix. Ces nouvelles ont véritablement fait mon délice, je les lisais dans le tram : c'est un pur bonheur de lecture, avec beaucoup d'ironie et d'humour et chaque fois une chute surprenante. C'est de la grande littérature (elle a un style vraiment épatant et l'art de la formule au plus haut point) et il y ce petit côté troublant (parfois cruel) qui nous enchante. On sent bien que la prose de cette grande écrivain touche à l'universel. D'ou son succès entièrement justifié à notre époque, alors que notre monde est, en apparence du moins, bien différent de l'univers Whartonien.

Séquoia - Bruxelles - 59 ans - 2 août 2005


La perfection, en effet! 10 étoiles

Merci à Saule de m’avoir, par sa critique, guidé vers cette merveille. C’est aussi le sentiment de la perfection qui m’est venu après lecture de cette nouvelle. Unité de temps, de lieu, d'action.
Le temps est suspendu pendant que ces deux "Américaines élégantes et mûres" règlent leurs comptes à coups feutrés, entre deux silences. Comme j’ai lu l’an dernier un portrait de jeune femme , admirable lui aussi (« Daisy Miller », note sur ce site), de Henry James qui fut le mentor d'Edith Wharton, j’ai trouvé entre ces deux histoires des similitudes. Elles se passent toutes deux à Rome et introduisent dans leur trame cette particularité du Colisée où, paraît-il, le froid glacial qui tombait dans les ruines à la tombée du soir menaçait des pires maladies les jeunes gens qui s'aventuraient derrière les grilles protectrices. Edith Wharton a-t-elle voulu de la sorte rendre hommage à ce récit de Henry James ? Si c’est le cas, l’attention est pleinement réussie.

Kinbote - Jumet - 65 ans - 9 juillet 2003