Les hommes oubliés de Dieu
de Albert Cossery

critiqué par Falgo, le 23 août 2014
(Lentilly - 84 ans)


La note:  étoiles
Stigmatisation de la misère
Ecrit à la fin des années 1930 par un jeune homme de 20 ans, publié en 1940 et censuré par les autorités égyptiennes de l'époque, ce recueil de 4 nouvelles est une bombe. Le gouvernement ne s' y était pas trompé. Il est entièrement dédié à une plongée dans la misère, ce qui est très surprenant vu l'âge de l'auteur. Et cette misère, il s'agit des plus démunis du Caire, y est représentée sous plusieurs facettes. "Le facteur se venge" tourne autour du vide social et amical que subissent les pauvres et des conséquences que cela engendre. (On est ici très proche du cri de Léon Bloy - approximativement- : "le pire pour les pauvres est que personne n'a besoin de leur amitié"). "Le coiffeur a tué sa femme" insiste sur la consternante pauvreté d'un père qui ne peut offrir à son fils ce que celui-ci désire et la révolte qui s'en suit. "Danger de la fantaisie" manifeste que la mendicité obéit à certaines règles et qu'il est perturbant de chercher à la déguiser sous des atours destinés à émouvoir le passant. "Les affamés ne rêvent que de pain" indique le cheminement suivi par les pauvres qui accèdent à la révolte.
Ce qui étonne le plus dans ce livre splendide et très original, c'est cette montée d'une nouvelle à l'autre de l'esprit de révolte, prémonitoire sous de nombreux aspects des ultérieurs "printemps arabes". Il est donc stupéfiant qu'un si jeune homme (20 ans), en ces années (avant 1940) ait ainsi diagnostiqué les racines des révolutions qui allaient suivre et bâti les fondations de la totale liberté qui a gouverné toute sa vie.
INOUBLIABLE 10 étoiles

Merci pour ta belle critique de ce livre lu il y a plusieurs années dans des circonstances très particulières et qui m'a fait pleurer comme aucun autre.

Je l'ai relu depuis et il reste toujours aussi bouleversant : il est exceptionnel d'autant que Cossery lui-même a toujours vécu dans une grande misère à Paris jusqu’à sa mort.

Un livre qui nous apprend- réapprend l’humilité.

(Et je ne peux que vivement conseiller la lecture de tous ses autres livres, tous réédités l’été dernier par Joëlle Losfeld).

Provisette1 - - 11 ans - 24 août 2014