L'homme qui fuyait
de François Lavallée

critiqué par Libris, le 7 novembre 2013
( - 58 ans)


La note: étoiles
"L'homme qui fuyait", portaits d'hommes en déroute
Premier constat, l’auteur de L’Homme qui fuyait, le Québécois François Lavallée, nous mène rondement. On commence par un viol-égorgement et on finit par une décapitation. Et puis sans cesse les réalités, les certitudes se dérobent, il nous tient en haleine : le protecteur Octave, un homme heureux, sûr de lui, généreux, qui a réussi à fond, un vrai père, ou bien une épave narcissique et monstrueuse, manipulateur et cupide?

Et le héros, un lâche, un privilégié gâté qui geint, un amoureux inconstant qui papillonne d’une idylle avortée à l’autre? Ou bien un jeune homme touchant de naïveté, entier dans son désarroi, qui se cherche inutilement dans le regard de l’autre, son mentor, celui des femmes, du gourou qu’il va voir? Que dire du père, héros sacrifié ou bien homme fragile, sans substance, qui choisit la fuite et l’abandon de son fils, de son épouse?

Alors du début à la fin l’auteur nous fait défiler ces façades; et on croit savoir où il nous mène, mais il nous détrompe. Avec son roman ludique, enlevé, mais aussi sombre par endroits, François Lavallée brosse des portraits d’hommes somme toute peu flatteurs d’ailleurs.

Côté style, l’auteur de L’Homme qui fuyait se distingue avec la retranscription hésitante du pianiste qui travaille son morceau. C’est une trouvaille : même pour quelqu’un qui n’aurait pas fait de musique, on comprend de l’intérieur le travail du musicien. Idem avec son clochard qui parle en alexandrins, c’est ludique, c’est beau, il est dans la crasse, la vermine, mais aussi dans la souple cadence des mots. Et il faut avouer que la tirade d’Octave sur les rapports hommes-femmes (et leurs hormones respectives) est un jouissif morceau d’anthologie.

Avec L’Homme qui fuyait, François Lavallée signe un roman où se reconnaîtront ceux qui se sont cherchés – et peut-être jamais trouvés – et où l’évocation des villes de Québec et de Montréal se fait avec justesse et poésie.

Cet ouvrage de fiction est sorti chez Guy Saint-Jean Éditeur (Laval, Québec, Canada) en août 2013.