Corto Maltese : La lagune des mystères
de Hugo Pratt

critiqué par Vince92, le 30 novembre 2022
(Zürich - 47 ans)


La note:  étoiles
Le Maltais bourlingueur
Une nouvelle relecture dans la série Corto Maltese par Hugo Pratt. Cette fois encore Castermann a "déconstruit" le découpage initial pour former cet album ex-nihilo. De fait, les histoires qui sont au nombre de quatre proviennent initialement des albums Corto toujours un peu plus loin et des Celtiques d'autres éditions. Je lis souvent que le dessin d'Hugo Pratt est meilleur lorsqu’il est en noir et blanc, cette collection me semble démontrer le contraire; la coloration effectuée par Patrizzia Zanotti mettant admirablement en valeur les traits des personnages et les paysages dessinés par Pratt.
Ceci étant dit, les histoires recueillis ici sont inégales et Corto n'en est pas toujours la figure centrale : Dans la première, La Lagune des beaux songes, c'est un officier anglais du régiment Artists' Rifles qui se meurt au bord de l'Orénoque et qui est confronté à ses démons. Corto ne joue qu'un faible rôle dans cette histoire et sert de faire-valoir au personnage secondaire qui est en fait le personnage principal.
La deuxième, Fables et grands-pères, voit un peu d'action et certains des personnages rencontrés auparavant dans la série comme Jeremiah Steiner ou Levi Colombia. Le propos de Pratt dans cette aventure est assez obscur puisqu'il mêle à la fois la quête de la mythique cité de Cibola (les Cités d'or), la dénonciation du trafic d'esclaves en Amérique du Sud et de ses commanditaires (à la travers le personnage de l'horrible Miranda), la complexité des liens familiaux (les deux grands-pères qui donnent son nom à l'aventure sont issus de deux mondes complètement différents et sont cependant réunis dans l'amour pour leur petit-fils). Le lecteur regrette d'ailleurs que cet arc narratif prenne le pas sur la quête provoquée par Levi Colombia... Il reprend espoir quand Corto débarque à Venise (L'Ange à la fenêtre d'Orient) afin de récupérer la carte de Cibola dessinée sur la peau d'écorché d'un moine pieusement gardée par les Franciscains. Las, c'est bientôt la lutte avec sa vieille adversaire Venexiana Stevenson qui accapare le récit dans le cadre du bombardement de la Sérénissime par l'aviation autrichienne.
La quatrième et dernière aventure du recueil (Sous le drapeau de l'argent) met en oeuvre Corto, alias Le Pirate, dans un vaste plan et une alliance entre plusieurs belligérants (Autrichien, Anglais, Français, Américains) au cours de la Première Guerre mondiale sur le front italien. Les différents groupes s'entendent afin de récupérer un stock d'or pour le compte du Monténégro (tout en s'accaparant pour leur compte une "petite" partie du trésor).
Ces quatre histoires n'ont pas le souffle des grandes aventures du marin maltais (Sibérie, Samarkhand, Mer salée) mais offrent tout de même de très bons moments de lecture au cours desquels on retrouve les caractéristiques qui font tout le charme de la série: érudition, aventure, nonchalance, un peu d'action, des voyages.