Journal de guerre : 1914-1918
de Maurice Bedel

critiqué par JulesRomans, le 5 novembre 2013
(Nantes - 66 ans)


La note:  étoiles
Un Châtelleraudais quitte ses amis de la manufacture d'armes et voit comment se servent de ces armes les soldats au pantalon garance
Entre le premier août 1914 et le 31 décembre 1918, nous vivons la Grande Guerre auprès d’un médecin militaire parisien de naissance et poitevin d’adoption du fait des origines de sa femme. Il a déjà commis quelques courts écrits et recevra le Prix Goncourt en en 1927 pour son premier roman "Jérôme 60° latitude nord".

Depuis 1910 il tient un journal retrouvé, dans les papiers que ses descendants conservent de lui, par Chantal Verdon (professeur de lettres retraitée) qui aurait bien plus mérité son nom sur la page de couverture que Philippe Claudel à qui on doit l’introduction. En effet Chantal Verdon présente l’ensemble de la vie de Maurice Bedel, a choisi les photographies prises par l’auteur qui sont reproduites et a supervisé le contenu des annexes. L’ouvrage ne le précise pas mais nous savons qu’après-guerre Maurice Bedel fut un grand ami d’Aimé Souché inspecteur primaire à Châtellerault durant quasiment toute l’Entre-deux-guerres et l’Occupation, ancien prisonnier de guerre. Auteur d’un nombre incommensurable de manuels de français, Aimé Souchet commis quelques autres écrits et Maurice Bedel fut son parrain pour rentrer au sein de la Société des gens de lettres.

Maurice Bedel participe à la guerre de mouvement avec le 170e RI dans les Vosges quasiment tout le mois d’août et les tous premiers jours de septembre. Il connaît ensuite l’univers des tranchées dans l’Aisne, l’Oise, la Marne, la Meuse, en Alsace libérée ; il part au Maroc de septembre 1916 à avril 1917, est dans l’Aisne de nouveau puis relativement loin du front en Haute-Saône.

Grâce à ses responsabilités nombre d’informations lui parviennent et il peut développer un regard quelque peu distancié sur l’univers des combattants tout en pointant les souffrances vécues. Le 26 octobre 1917, Maurice Bedel écrit au Chemin des Dames :

« J’ai envie d’écrire le Moulin de la Faulx [Laffaux] en songeant à une mort de Dürer, une mort déchaînée, ivre et couronnée de laurier, et dansant la faux à la main parmi la phalange de jeunes Germains, et tranchant les bras et coupant les jambes, et crevant les ventres, et trouant les poitrines, et brisant les crânes, pour le jeu féroce de marier de la chair fraîche à de la boue, du sang écarlate à de l’eau trouble et des lèvres roses à d’immondes sanies. Ce n'est pas sur un champ de bataille qu'il sied de méditer sur la guerre... ces cadavres pitoyables vous enlèvent toute liberté de jugement.»