Apologie de Socrate - Criton - Phédon
de Platon

critiqué par Saint-Germain-des-Prés, le 19 mai 2003
(Liernu - 56 ans)


La note:  étoiles
A tout seigneur, tout honneur...
Ces trois textes, traitant tous de la mort, se complètent à merveille.
L'apologie de Socrate rapporte les discours, en trois temps, qu'aurait prononcés ce monument de la philosophie devant ses juges et les Athéniens.
Il est accusé de corrompre la jeunesse et de l'éloigner des vrais dieux.
Dans un premier moment, il se défend, il démonte point par point le réquisitoire officiel et les raisons plus cachées de son procès.
Ensuite, les juges se retirent et concluent à sa culpabilité, par une majorité de 60 voix (sur un total de 500 ou 501 juges).
La coutume veut que, si la loi ne prévoit pas de peine précise, l'accusateur en propose une, ainsi que le condamné. Le jury choisit en une parmi les deux, sans rien pouvoir y changer.
Mais voilà, dans cette seconde partie, Socrate refuse d’émettre une proposition car ce serait admettre sa culpabilité alors que c’est plutôt à une récompense qu'il aurait droit.
Ce geste prend toute sa signification lorsqu’on sait que ses adversaires réclamaient la peine de mort.
Enfin, la décision tombe, attendue : il est condamné à mort.
Dans le troisième volet de son discours, Socrate s’adresse d’abord à ceux qui l'ont condamné, ensuite à ceux qui l’ont acquitté.
Il s’emploie à dédramatiser la mort : pour lui, la mort s'assimile soit à un sommeil sans rêve ou alors il s’agit du passage dans une autre vie.
Dans le deuxième texte, extrêmement court, qui entre dans la tradition des dialogues de Platon, Criton se rend dans la cellule de Socrate pour le convaincre d’évasion, occasion pour le maître de montrer sa fidélité envers les lois et le peuple athénien.
Le Phédon est de loin l’écrit le plus intéressant des trois.
Les deux premiers sont d'une facilité de lecture désarçonnante.
Leur lisibilité n'enlève rien à leur valeur, toutefois, c'est dans le Phédon que Socrate développe sa théorie sur l'immortalité de l’âme.
D’un accès légèrement plus ardu car plus abstrait quoique illustré par maints exemples, ce dialogue envisage tous les arguments et les contre-arguments qui se puissent imaginer.
Certains diront du « coupage de cheveux en quatre », d’autres une élaboration précise d'une théorie argumentée.
En ce qui me concerne, du grand art.
Le dialogue se clôture par les derniers moments de Socrate, qui boit sereinement la ciguë : « Tout en disant cela, il portait la coupe à ses lèvres, et il la vida jusqu’à la dernière goutte avec une aisance et un calme parfaits. »
S'adressant à son interlocuteur, Echécrate, Phédon termine par ces mots : « Telle fut la fin de notre ami, Echécrate, d'un homme qui, nous pouvons le dire, fut, parmi les hommes de ce temps que nous avons connus, le meilleur et aussi le plus sage et le plus juste. »
Faut-il rappeler que Socrate n’ayant rien écrit, tout ce que nous connaissons de sa philosophie nous est essentiellement rapporté par Platon…
Platon met régulièrement Socrate en scène dans ses dialogues.
Toute la difficulté est de savoir dans quel mesure l’élève est fidèle au maître.
Il se peut en effet que par-ci par-là, Platon ait glissé ses propres théories dans la bouche de Socrate.
Ce risque est peu vraisemblable dans ces trois dialogues, selon Emile Chambry, auteur de la traduction et des notices.
Toutefois, il est clair, dans le Phédon, que Platon expose par petites touches sa théorie sur le monde intelligible des Idées.
Sagesse de l'humilité et vérité douloureuse 10 étoiles

Socrate est poursuivi en justice, et le constate avec effroi. Il lui est reproché de se prévaloir indument de sagesse, de corrompre l'esprit de la jeunesse, de surcroît par un enseignement payant, et de se vautrer dans l'athéisme, voire de se prévaloir d'autres divinités que celles de la cité.
Dans sa plaidoirie de défense, il démontre en quoi il fait preuve d'humilité dans son mode de vie, sa participation bénévole et désintéressée aux affaires de la cité et de la constitution de la réputation qui lui est créée, également en sa faveur, la Pythie de Delphes ayant même attesté de sa sagesse. Il en ressort qu'il a tendance à mettre en évidence les insuffisances et erreurs de raisonnement de ses contemporains qui prennent la parole sur des sujets qu'ils ne maîtrisent pas et qu'ils se montrent ainsi moins sages que lui qui préfère peser le pour et le contre. C'est ainsi que naît une impression d'arrogance, en réalité injustifiée, qui mène à sa perte, soit sa condamnation à mort.

Dans son dialogue avec Criton, il fait état de son attente de la mort qui n'est pas si grave à son âge, mais qui, selon son interlocuteur, doit affecter ses partisans. Il lui prodigue conseils pour accueillir la mort.

Dans le troisième, j’ai été élu de la motivation par Socrate de ses proches sur les apports de l’expérience après une disparition et suis resté plus sceptique sur ses réflexions relatives à l’ame.


Ces démonstrations paraissent limpides de clarté, dans un style allant du déclamatoire au grandiloquent. Elles constituent de bonnes et belles formations à la philosophie, puisque la recherche de la sagesse est définie et que la méthode d'apprentissage en est, en quelque sorte donnée.
Ces écrits sont très agréables à lire et bénéfiques à la réflexion. Ils constituent des classiques justifiés, donc incontournables.

Veneziano - Paris - 47 ans - 10 avril 2020


Un texte passionnant 9 étoiles

Comme certains d'entre vous, je n'ai lu que l'"Apologie de Socrate" car elle est publiée de façon indépendante dans l'édition GF. Ce texte m'a vraiment plu et m'a replongé dans la littérature antique à laquelle j'avais été un peu initié dans ma scolarité. Ce texte de Platon est vraiment intéressant et de nombreuses réflexions font encore sens aujourd'hui. On a souvent l'image que cette littérature est datée et ne pourrait intéresser que des historiens, mais ce n'est pas le cas. Cette oeuvre est vraiment agréable à lire, entre en résonance avec notre vie et interroge le lecteur.

Socrate est accusé de vouloir corrompre la jeunesse par ses discours et de rejeter les dieux. Ses idées seraient dangereuses et déstabiliseraient la société. Socrate tente de se disculper dans trois discours passionnants. De nombreux sujets sont abordés dans cette oeuvre courte. Socrate remet en question le savoir de nombreuses personnes qui pensaient faire autorité en rappelant qu'être savant c'est être conscient qu'on ne sait pas tout, voire par grand-chose. Il aborde aussi la mort et démonte les mécanismes de la peur face à la mort dans un passage brillant.

En dehors de ces réflexions très justes, il y a sa défense, elle aussi très efficace, dans laquelle il contre tous les reproches qu'on lui a faits avec logique et simplicité. La sagesse du philosophe fait du bien dans un monde où les argumentaires sont de plus en plus alambiqués et malhonnêtes intellectuellement. Le personnage est touchant et porteur d'enseignements. Le texte n'est pas qu'un long monologue puisque ses accusateurs interviennent parfois, même si cela reste mineur. Pour mesurer, l'art de la parole et la sagesse ce texte est vraiment idéal.

Sur la mort :
" ... car craindre la mort, Athéniens, ce n’est autre chose que se croire sage sans l’être ; car c’est croire connaître ce que l’on ne connaît point. En effet, personne ne connaît ce que c’est que la mort, et si elle n’est pas le plus grand de tous les biens pour l’homme. Cependant on la craint, comme si l’on savait certainement que c’est le plus grand de tous les maux. Or, n’est-ce pas l’ignorance la plus honteuse que de croire connaître ce que l’on ne connaît point ? "

Pucksimberg - Toulon - 44 ans - 14 septembre 2019


La philosophie antique accessible 8 étoiles

Comme les auteurs des 3 critiques éclairs précédentes, je n'ai lu pour l'instant que L'apologie de Socrate. Ce texte d'une trentaine de pages est accessible gratuitement en ebook au format pdf pour l'ordinateur ou epub pour les liseuses, sans préface ni postface. De quoi s'immerger complètement dans le récit du jugement de Socrate rédigé par Platon.

On y trouve une définition du sage (et donc de la sagesse) sur laquelle se sont appuyés énormément de philosophes depuis l'Antiquité : "c'est celui qui, comme Socrate, reconnait que sa sagesse n'est rien".

Cet ouvrage est réputé pour illustrer l'art de la rhétorique, avec lequel Socrate se défend de ses accusations. Ce n'est pas ce qui m'a le plus marquée. J'ai plutôt apprécié le discours de Socrate portant sur la reconnaissance des Dieux traditionnels athéniens ; il s'opposait déjà aux conventions arbitraires posées sur eux.

Très accessible, très court, ce livre fait écho à tout ce qu'on peut entendre sur la philosophie antique.

Elya - Savoie - 34 ans - 8 février 2013


EXCELLENT 10 étoiles

Je n'ai lu que l'apologie de Socrate sur les trois, mais je l'ai trouvé FAN-TA-STIQUE ! On y voit un Socrate ironique et-bien qu'il soit loin d'être un sophiste- extrêmement éloquent, doué d'une grande répartie à l'égard de ce pourri de Mélétos et comparses... (Mélétos représente d'ailleurs en force cette bande d'abrutis notoires qui n'ont rien compris à la si belle philosophie eudémoniste de ce cher Socrate)

Alors oui, c'est certain que Platon a dû en rajouter une fameuse couche, idolâtrant son maître ( remarquons par là que Xénophon a écrit la même apologie retraçant le procès de Socrate et l'y représentant d'une toute autre façon... nous nous égarons) comme il le pouvait, mais cette oeuvre antique n'en reste pas moins génialissime, l'une des meilleures que j'ai eu à lire jusqu'à présent (Antigone de Sophocle l'égalant à peu de choses près...); Bref, un trésor comme il y en a peu.

Je conseille ardemment de la lire à tous ceux qui veulent s'initier à la pensée de Socrate (et de Platon, que l'on retrouve fatalement quelque peu dans les paroles de celui-ci ;))

Duhkha - Paris - 37 ans - 13 septembre 2005


En faveur de Socrate 9 étoiles

Afin de ne pas créer un doublon sous le titre "Apologie de Socrate", je poste en critique-éclair quelques impressions sur l'édition bilingue de cette apologie publiée aux éditions des Belles Lettres (ISBN 2251799729).

On trouve une préface utile et intéressante de François l'Yvonnet dans cet ouvrage, qui compare quelque peu Socrate avec le Christ dans ce sens que l'un et l'autre, par leur sacrifice, ont ouvert les portes d'un nouveau monde, d'un autre mode de pensée. Les parcours des deux hommes sont pourtant sensiblement différents jusqu'à un certain point mais leur condamnation publique, leur mise à mort, peuvent effectivement provoquer ce rapprochement entre ces deux destins.

Socrate a été accusé d'être un impie et un corrupteur de la jeunesse. Platon a été marqué par la vie de son maître et ce qui lui est arrivé, ses "Dialogues" le confirment et il n'aura de cesse de transformer la philosophie en recherche de la vérité.

Ce texte, publié en version bilingue "grec-français" par Les Belles Lettres est une belle introduction à l'oeuvre de Platon et une magistrale démonstration du talent oratoire et argumentaire de Socrate. Un homme qui souhaitait avant tout le bien de la cité au détriment des intérêts particuliers mais se rendait compte que son désir ressemblait à de l'utopie. De quoi lui fournir la matière pour de vibrantes plaidoiries en faveur du bien-être de l'homme au sens large.

Sahkti - Genève - 50 ans - 25 avril 2005


Apologie de Socrate 6 étoiles

Je n'ai lu que celui-ci parmi les trois mais je voulais quand même faire une critique car j'ai beaucoup apprécié.
On s'attend toujours plus ou moins à ce que les discours philosophiques soient barbants et difficiles. Or ce n'est pas du tout le cas ici. La lecture nécessite certes quelques connaissances mais il n'y a là aucune réelle difficulté. De plus ce petit discours se lit rapidement et les valeurs évoquées par Socrate restent d'actualité. A conseiller pour les apprentis philosophes!!

Lolita - Bormes les mimosas - 38 ans - 7 avril 2004