Lumineuse césarienne
de Vassili Axionov

critiqué par Jules, le 19 mai 2003
(Bruxelles - 79 ans)


La note:  étoiles
Dur à lire, mais vaut l'effort
Je crois que je me trouve confronté ici à ma critique la plus difficile à faire !. J’ai plus qu'adoré « La saga moscovite » d'Axionov et je n'ai donc pas manqué d’acheter celui-ci dès son arrivée en librairie. Une autre « brique » de 700 pages chez Actes Sud.
Une brique, d’accord, mais celle-ci n’est vraiment pas du même genre que la précédente !.
Voyons d’abord l’histoire. Le narrateur, un Russe, qui n’est autre qu'Axionov lui-même, est professeur d’université à Washington et fait des allées et venues entre les U.S. et Moscou. Ancien exilé, il fréquente essentiellement la colonie de ses compatriotes. Mais il suit aussi l'évolution politique et sociale de son pays, ainsi que celle des amis qu'il y a gardé malgré le temps passé. Il nous narre ses réussites et soucis comme ceux de son entourage.
Au travers de tout cela, nous allons découvrir la situation de ces exilés ainsi que la façon dont son pays se dirige, cahin-caha, sur le chemin de la privatisation et de la démocratie.
Mais abordons ce qui me semble presque l’essentiel : l’écriture. Au premier abord, c’est la langue utilisée, pur argot, qui frappe. Mais bien vite je vais me retrouver complètement bousculé ! Par la langue, par le style, par les choix faits pour s'exprimer.
En effet, nous avançons dans l'histoire de nouvelles en nouvelles. Elles sont reliées entre elles par les pensées du narrateur, mais également par le fait que certains personnages se retrouvent dans toutes. Mais à chaque fois arrivent de nouveaux personnages qui viennent bousculer ce que nous pouvions penser être une construction linéaire qui allait
faire un tout autour de ceux qui nous semblaient essentiels. Mais on suit.
De temps à autre, l'auteur se dévoile et interpelle directement son lecteur en parlant des difficultés qu'il rencontre dans son travail et sa construction. Un exemple : « Subitement tout s’écroula. L'astucieuse élaboration de Stass tourna à la bricolette. On a beau ajuster les marges, on ne crée pas le bonheur sur le papier, hélas. Le caractère rebelle des héros est en perte de vitesse. Les « petits triomphes » ne font que semblant, rien de plus, de verser dans une réelle victoire. Cette demeurée de Colombine abandonne soudain Pierrot, et il reste seul, tandis que le Microscopique scintille avec indifférence. Alors, il comprend que son histoire n’est pas la sienne, mais la sienne à elle et que si on l’a placé là, c’est uniquement pour soutenir l'action…. Il ne reste plus à l'auteur qu'à mettre en boule cette nouvelle page.se rendre dans le parc crépusculaire, y errer en solitaire…sortir le feuillet en boule de la corbeille à papier, le défroisser et le recopier au propre. »

Soudain, voilà notre histoire qui se poursuit sous la forme d'un drame en deux actes, avec plein de nouveaux personnages venus se rajouter. Cela va se répéter encore plus loin. Comme les Russes l'aiment, il y a, parmi les dialogues des drames, des morceaux qui sont écrits sous la forme de petits poèmes.
Dans l'ensemble, je suis obligé d’avouer que ce livre est difficile à lire dans sa forme et que l’histoire n'est pas non plus aussi passionnante que ce qui nous était offert dans « La saga moscovite » Il n’en demeure pas moins qu’il est loin d’être sans intérêt et qu’il est truffé de pensées qui valent la lecture !
Aux courageux à se redresser les manches !… Pour ceux qui ne connaissent pas Axionov, foncez plutôt sur « La saga » !.