Dawson Kid
de Simon Girard

critiqué par Libris québécis, le 7 octobre 2013
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Affronter les tireurs fous
Simon Girard a emprunté les coulisses de la boxe pour couvrir la quête de Rose Bourassa. Montréalaise de 20 ans, victime d’inceste à sept ans, fuyant l’atmosphère malsaine de sa famille, l’héroïne joint le rang des strip-teaseuses pour ensuite abandonner l’effeuillage en faveur du ring.

Cet exutoire fournit le canal propice à sa révolte. Seule au monde, elle développe avec son vieil entraîneur une complicité tacite. Pour une fois dans sa vie, elle est appréciée pour ce qu’elle est. Aux petits gestes attentionnés de son coach taciturne, elle comprend qu’elle vient d’acquérir le substitut paternel qui facilitera l’atteinte de ses objectifs. Sans son soutien moral, elle se serait probablement abandonnée à son instinct suicidaire en se jetant devant une rame de wagons du métro.

C’est le point fort du roman qui transforme une victime potentielle en battante. Surgit alors une course à la vie. L’héroïne se glisse dans la peau de tous les Dawson Kids, qui tournent leur arme vers les autres pour les tenir responsables de leurs échecs. Devant un monde de violence gratuite, Rose en conclut à la nécessité d’une carapace pour résister aux assauts des oppresseurs d’autant plus qu’elle est une femme. Son statut lié à l’infériorisation féminine la pousse à réagir contre un monde encore machiste. Mais plus que sa féminité, ce qui l’obnubile, c’est sa finalité. Elle ne veut pas mourir comme un rat. Autrement dit, elle s’oblige à reconquérir sa dignité perdue aux mains de son père et à se protéger contre tous les monstres qui travestissent leurs souffrances en fusillade comme c'est arrivé au Dawson College, un lycée anglais de Montréal.

Simon Girard trace le profil d’une gagnante, qui a trouvé dans la boxe sa planche de salut. Son roman se fait complice d’une dureté choquante pour ceux qui refusent de sonder les causes de la dérive. Mais il surprend surtout par son écriture. Les premières pages laissent croire à une imitation de l’oralité calquée sur la spontanéité d’une pensée vagabonde, comparable à celle du clavardage (échanges entres fans de l’électronique). Cette technique emprisonne les personnages dans un ghetto linguistique, qui filtre un peu trop les sentiments. Mais il reste que l’auteur manifeste un don certain pour l’art romanesque.