La poupée
de Daphne Du Maurier

critiqué par Ellane92, le 5 novembre 2013
(Boulogne-Billancourt - 49 ans)


La note:  étoiles
déjà du talent mais des nouvelles inégales
Albin Michel vient de publier un recueil de 13 nouvelles écrites par une Daphne du Maurier de vingt ans, bien avant de devenir l'auteure connue et reconnue de Rebecca, Ma cousine Rachel, Le vol du faucon, ou Les oiseaux.
Ces 13 nouvelles évoquent les relations, notamment amoureuses, entre les hommes et les femmes. Comme dans les romans pour lesquels elle sera connue plus tard, D. du Maurier met en scène des personnages à la psychologie complexe. Elle nous parle du désir, de la frustration, de la violence des sentiments, de la folie, de la bêtise ou de l'absurdité, au travers de récits très (peut-être trop) maitrisés, des premières lignes qui esquissent avec justesse des atmosphères particulières jusqu'aux chutes très réussies.

J'ai beaucoup aimé la première nouvelle, "Vent d'est", qui a une portée poétique et dramatique remarquables, et "Le chagrin n'a qu'un temps", dont on devine la fin dès le départ mais qu'on lit pourtant avec ravissement et impatience. Les autres nouvelles se ressemblent plus. La poupée, qui donne son titre à l'ouvrage, est incomplète et m'a laissée sur ma faim.
Au final, j'ai ressenti un peu de lassitude vers la fin de l'ouvrage : il n'y a pas d'issues, pas de grâce pour les personnages ; les récits sont noirs et dépeignent une réalité(ou une virtualité) cruelles et sans espoir, qui contrastent avec l'écriture élégante et souvent suggestive de l'auteure. Peut-être ces nouvelles mériteraient d'être lues petit à petit, une de temps à autre, pour le plaisir ?

Mais ces folies appartenaient à un passé lointain. Il avait vingt-quatre ans à présent, plus dix-huit. Avec ironie, il se demandait ce que Napoléon aurait fait si quelqu'un lui avait offert une caisse de soldats de plomb.

"Bonne nuit, ma chérie", dit-elle tout en l'embrassant tendrement et en caressant son visage rougi par endroits, défiguré, qui suscita en elle le désir malsain d'éclater de rire (Je suis vraiment ignoble, pensa-t-elle) et elle chercha fiévreusement une formule d'adieu consolatrice ; puis, parce que dans une demi-heure elle sera avec lui, blottie contre lui, ivre et déraisonnable, elle s'écria, joyeusement, le visage radieux, debout sur le pas de la porte : "Tout ira bien ; le chagrin n'a qu'un temps."