Le nouveau désordre mondial : Réflexions d'un Européen
de Tzvetan Todorov

critiqué par Elya, le 15 septembre 2013
(Savoie - 34 ans)


La note:  étoiles
« la fin noble ne justifie pas les moyens ignobles »
C’est délicat pour moi de commenter ce genre de livre.

Je ne connaissais auparavant pas son auteur, que l’éditeur, Robert Laffont, présente comme un directeur de recherche au CNRS (en quoi ?), critique (qui ne l’est pas ?), historien (ok, ça m’intéresse) et philosophe (titre un peu facile à porter de nos jours, non ?). Une recherche sur l’incontournable Wikipédia, dont la bibliographie et biographie de l’auteur est un peu plus complète que le résumé fait par l’éditeur, mais peut-être pas plus factuelle, nous laisse penser que Tzvetan Todorov est en fait un « intellectuel ». On ne saura toujours pas en quoi il est docteur. On apprend par contre qu’il s’est d’abord intéressé aux théories en littérature (il y a d’ailleurs un ouvrage de lui critiqué sur CL à ce sujet), avant de réfléchir sur « l’altérité ». Sa bibliographie est conséquente, quasiment un livre par an parait depuis 2000, voire 2 en 2011.

J’ai vraiment cherché à savoir qui était cet homme et quelle légitimité on pouvait apporter à ses propos. Bien évidemment les titres et le parcours ne suffisent pas pour cela, mais c’est mieux que rien. Surtout lorsque, comme ici, l’auteur ne s’appuie sur aucune bibliographie ; rien dans les dernières pages, très peu dans le corps du texte (2/3 ouvrages et articles de journaux hebdomadaires du type Courrier International ), c’est, je trouve, un peu pauvre sur un sujet aussi délicat.

C’est dommage, car ses propos, engagés, sont intéressants.

Tzvetan Todorov commente d’abord les mobiles affirmés ou supposés qui ont poussé les Etats-Unis à enclencher la guerre en Irak en 2003. Cela lui permettra de rebondir sur l’incohérence de la notion de « libéralisme politique », si cela se fait par la force.
L’auteur caractérise alors les Etats-Unis (ou plutôt, la politique des Etats-Unis) de néofondamentaliste : ils souhaitent imposer ce qu’ils considèrent comme le Bien (la démocratie libérale) à tous. Mais pour Todorov, « la fin noble ne justifie pas les moyens ignobles ». Les chapitres suivants nous montrent en quoi justement ces moyens sont « ignobles »., même s’ils permettent de « régler la paix ». Pour faire « régler la paix », Todorov dégage 3 possibilités pour les Etats:
- faire confiance en leur force (« paix par l’empire »), comme les Etats-Unis
- faire confiance au droit international et aux organismes (« paix par la loi »), comme la France
- maintenir l’équilibre entre les puissances, grâce à la pluralité, ce qui pourrait faire l’Europe
Les derniers chapitres conduisent donc à démontrer la plausibilité de cette troisième alternative, auquel Todorov croit.

Comme le sous-titre le précise, ce livre présente en fait seulement des « réflexions ». Parce qu’elles sont celles d’un « intellectuel », devraient-elles avoir plus de poids que celles de tout un chacun ? Doit-on y voir des « vérités », des « faits » ? Je n’y ai rien vu de tout ça. La lecture n’est pour autant pas désagréable, mais je crois que l’Impérialisme humanitaire de Bricmont me contentera plus sur ce sujet, car mieux argumenté.
Vision intéressante de la géopolitique ! 10 étoiles

Comme toujours, Tzvetan Todorov, nous propose un petit livre très dense en réflexions et analyses. En voici quelques exemples :

D’abord, il nous détaille les nombreuses raisons possibles de la guerre en Irak par les Etats-Unis, autres que celles qui nous sont officiellement présentées.

Puis l’auteur analyse les fragiles rapports d’équilibre qui existent entre démocratie, idée voire idéal pour ne pas dire idéologie. Le tout chapeauté par des puissances militaires, qu’il faut savoir maîtriser.
En effet, lors d’un conflit entre Etats, pour amener un pays à la raison : mieux vaut passer par la négociation, voire l’enlisement momentané d’une situation, plutôt que d’avoir recours à la force armée, certes, plus rapide et plus « efficace », mais conduisant, dramatiquement, souvent à la souffrance des populations.

Pour Tzvetan Todorov l’intervention militaire doit servir essentiellement dans le cas de la légitime défense. Quant au droit d’ingérence, lui, ne peut intervenir à l’encontre de la souveraineté nationale d’un autre pays, uniquement dans le cas d’un risque avéré de : génocide (exemple récent de la tragédie du Rwanda en 1994).

Une autre notion complémentaire est que : le droit doit prévaloir sur la force. Mais il est plus facile d’appliquer cette « méthode » dans son propre pays, qu’entre pays, car souvent (page 84) :

« Les Etats privilégient l’intérêt particulier au détriment de l’intérêt général ».

Par conséquent, le désarmement restera certainement éternellement une chimère, car même si la négociation est évidemment toujours préférable à la guerre, il est nécessaire de pouvoir se défendre contre tous les : terroristes, les fanatiques…

Bref, comme d’habitude, des sujets passionnants traités brillamment, de manières simple et concise.

Confer également, d’autres ouvrages tous aussi passionnants de Tzvetan Todorov :
– Mémoire du mal, Tentation du bien : enquête sur le siècle ;
– Les Abus de la mémoire ;
– La Peur des barbares : Au-delà du choc des civilisations ;
– L’Esprit des Lumières ;
– Face à l’extrême.

Anonyme11 - - - ans - 20 août 2020