Histoire du peuple corse
de Roger Caratini

critiqué par Elya, le 9 septembre 2013
(Savoie - 34 ans)


La note:  étoiles
Histoire d'une région de France et de son "peuple"
Je passe pour la seconde fois de ma vie quelques mois en Corse. J’apprécie énormément cette île, comme beaucoup de gens, pour son climat et la variété de ses paysages. J’ai aussi beaucoup d’idées reçues sur la vie dans l’île, sur ses particularités par rapport au continent, alimentées parfois par les Corses eux-mêmes (dangerosité des routes, volonté d’indépendance…). Je m’interroge également sur des choses que je remarque en me baladant et qui me semblent différentes que ce que j’observe sur le continent, alors que nous devrions êtres régis par les même lois : privatisation de nombreux chemins, même autour du littoral, présence de tombeaux familiaux un peu n’ importe où, particulièrement dans le Cap Corse et la Castagniccia… Plus je m’interroge et plus je me rends compte que je ne sais absolument rien sur le passé de la Corse. Plus grave, je ne savais même pas, avant la lecture de ce livre, si elle avait été indépendante fut un temps. Je me suis amusée à noter tout ce que j’en savais. Je peux me permettre d’en recopier ici l’intégralité, tellement c’est succinct !
Voici donc l’étendue de mes connaissances sur l’histoire de la Corse :
- Napoléon y est né (merci à mes lectures récentes de Rousseau)
- Des Génois y ont construit des tours en pierre le long des côtes, sans doute pour surveiller ce qu’il se passait sur la mer
- Il y a eu une grosse influence Italienne, étant donné la sonorité et l’écriture des noms propres, l’architecture des villes, les églises romanes…
- Les « vrais Corses » ne sont pas de Bastia. Ils y vivent éventuellement mais ont tous des ancêtres dans les petits villages plus reculés (des dires des Corses rencontrés)
- Ils avaient des lois et un fonctionnement social différent du continent ( ? mais je ne sais pas en quoi !) au XVIII ème siècle qui ont fait parlé Rousseau
- La vendetta (vengeance familiale) y a régné peut-être plus qu’ailleurs
Et je vous assure que je n’ai pas abrégé.

Je me suis donc rendue avec empressement à la bibliothèque Sampiero (sûrement une référence envers l’histoire, mais je n’en sais rien !) d’Ajaccio, et j’ai arpenté avec avidité le rayon « Histoire Corse ». De nombreux livres sont consacrés à la vendetta, ou à des périodes et faits bien précis de l’histoire, comme par exemple « Les métiers des femmes en Corse au XIXème » ou encore « La création de l’université de Corté ». Avec des pré-requis aussi faibles que les miens, je ne pouvais pas me permettre d’aborder des choses si précises. J’ai donc emprunté le seul livre qui semblait survoler toute l’histoire de l’Ile depuis l’apparition de l’homme ; c’est celui-ci.
L’auteur est apparemment un historien de renom (pour avoir écrit l’encyclopédie Bordas, qui n’est pas la moins connue). Point positif, il n’a pas écrit que sur la Corse. J’espérais tomber sur un ouvrage le plus objectif possible, et non écrit par un fervent nationaliste Corse, qui lit dans l’histoire ce qui servirait le plus son idéologie. Je crois être bien tombée avec Mr Caratini.

L’histoire commence donc à l’apparition des premiers hommes sur l’île, au plus tôt en -30 000, au plus tard en -8 000. Je vais me contenter de résumer l’histoire de la Corse et le contenu de ce livre en cinq phrases, à chacun de consulter le livre dans son entier pour connaître plus de détails.
En gros, la Corse a été successivement occupée par les Grecs, les Romains, les toscans, les Génois pour la partie la plus longue de l’histoire puis les Français. Ces différents occupants ont été plus ou moins oppressifs vis-à-vis du peuple Corse ; les Génois sont ceux qui ont apparemment le plus participé à la prospérité (relative) sociale et économique de l’île tandis que les Français ont eu une attitude plutôt colonisatrice. La première révolte populaire du peuple Corse eu lieu au XIVème siècle, elle visait plutôt les abus seigneuriaux que l’occupant Génois ; au début du XVIIIème, deuxième insurrection et révolution qui mènera cette fois à quelques années d’indépendance puis au rattachement à la France, qui est encore d’actualité. De cette époque, et pour l’histoire de la Corse et même de la politique, il faut retenir le nom de Pascal Paoli, Corse qui a fait beaucoup de choses pour améliorer les conditions de vie et l’accès à la culture de son peuple ; tout le contraire d’un certain Bonaparte. Quand à l’essor d’un nationalisme tel qu’on l’entend aujourd’hui, il faut plutôt attendre le XXème siècle et les années 60.

Ce que j’ai aimé dans l’approche de Caratini, c’est sa volonté affichée de neutralité. Il souligne par exemple les difficultés que l’on rencontre à retracer l’histoire du Moyen-Âge en Corse, car l’historien qui a le plus écrit sur cette période avait tout intérêt à user de la propagande génoise. A de nombreuses reprises, il précise à quel point il est tentant mais erroné et dangereux d’analyser et de juger les faits historiques avec notre regard de citoyen du XXIème siècle. Il n’hésite cependant pas à dénoncer certaines manipulations de l’empire Français au XVIIIème qui lui ont permis d’acquérir la Corse, ni l’attitude colonisatrice de l’empire et plus tard des républiques ; il était par exemple écrit dans les écoles Corses sous Jules Ferry « il est interdit de cracher par terre et de parler corse ». Sa conclusion est cependant très pessimiste.

En nous intéressant à l’histoire de la Corse, c’est en fait à l’histoire de France et de toute la Méditerranée que l’on est confronté, et ces rappels (et surtout découvertes) ne font pas de mal. C’est passionnant, et même si cela ne nous donne pas les clés pour comprendre le présent (ce serait trop facile), cela ne donne qu’une seule envie : plonger dans des multiples ouvrages d’histoires, spécialisés ou non, engagés ou non.