Un Lorrain dans la tourmente
de Pauline Guidemann, Aloyse Stauder

critiqué par JulesRomans, le 3 septembre 2013
(Nantes - 66 ans)


La note:  étoiles
"Expulser les jésuites est peut-être bien sévère, les conserver tous est peut-être bien dangereux" ( d'Alembert)
Ce livre se compose de deux parties très égales après une préface de Jean-Noël Grandhomme qui renvoie à d’autres écrits de jésuites présents aux armées, la première est de Pauline Guideman et la seconde présente les "Mémoires de guerre" d’Aloyse Stauber.

Pauline Guidemann dresse un portrait de l’ensemble de la vie de ce jésuite natif de Gros-Réderching en Moselle (légèrement au sud-est de Sarreguemines) aujourd’hui, elle donne quelques informations sur le vécu des habitants de la Lorraine annexée et les conditions dans lesquelles Alsaciens et Lorrains du Reichsland servent durant la Première Guerre mondiale.

Ceci est très intéressant car Pauline Guidemann, professeur documentaliste a une formation d’historienne et elle fait preuve d’un bon sens pédagogique pour contextualiser le document. Elle ne craint pas de nous mettre la puce à l’oreille sur le fait que le texte présenté a été écrit tardivement (elle ne précise pas quand, mais la lecture attentive d’Aloyse Stauber montre que la dernière mouture date d’environ 1947), il a donc environ 55 ans. Notre jésuite a retravaillé le contenu de ses carnets rédigés durant la Grande Guerre, mais nul doute que ce document apporte plus que le refrain francophile qu’il serine si fort qu’il en a vraisemblablement un aspect partiellement plaqué.

Il ne faut pas pour autant penser que les sentiments de l’auteur n’étaient pas profonds pour la France. Avec l’effondrement du front russe, les recrues alsaciennes et lorraines se retrouvent pour partie dans la zone des combats des départements français occupés aussi près de Signy-Ferme le 25 mai 1918 en Artois au sud d’Arras (d’après nous il s’agit de la ferme de La Signy sur la commune de Puisieux) il déserte pour passer dans le camp anglais.

Ne sont ici présents que les passages de la guerre où le narrateur n’est plus infirmier mais sous-officier combattant. On ne sait si Aloyse Stauber a tenu des pages de notes avant la fin juillet 1917. La première partie nous apporte de précieuses informations sur les pensées des combattants allemands et russes au moment où la nouvelle république des soviets va sortir la Russie du conflit. Sur ce front oriental, il sympathise avec des Polonais avant tout catholiques pour lui.

Un document très intéressant est la reproduction intégrale de la proposition de paix de Benoît XV ; sa lecture permet de se faire sa propre opinion sur un contenu qui hérissa les deux camps. Les hiérarchies catholiques de chaque pays prises dans leur ferveur nationalistes rejetèrent cette initiative. On s’aperçoit que le pape est incontestablement mu par un souci de défendre les nations les plus catholiques (ou celles qui sont chrétiennes en face de l’Islam): évacuation de la Belgique, création d’un état polonais, et apparition d’une Arménie indépendante. Sont prises en compte les revendications de la France sur l’Alsace-Lorraine et de l’Italie sur des territoires autrichiens, le message appelle là à « des dispositions conciliantes, tenant compte, dans la mesure du possible du juste et du possible ».