L'échelle des sens
de Franck Ruzé

critiqué par Ellane92, le 30 août 2013
(Boulogne-Billancourt - 48 ans)


La note:  étoiles
"Moi, Tennessee, étudiante et prostituée de luxe…"
Tennessee est étudiante en psycho. Pas en psychologie clinique, mais en psycho-physiologie. Pour financer ses études et son psy sans plomber le budget parental, elle aurait pu tenter de travailler au MacDo ou à Monop. Mais dans cette société de consommation, c'est son corps que vend la société d'escort de luxe avec laquelle elle a signé : 7 000 € la virginité recomposée par un chirurgien, ça permet de payer inscription et loyers, pour un temps.

"L'échelle des sens" est le quatrième livre publié par Franck Ruzé et met en scène, comme ses précédents ouvrages, une jeune femme d'aujourd'hui, entre la fin de l'adolescence et le début de l'âge adulte, confrontée à des choix sans visibilité sur leurs conséquences.
Les chapitres du livre sont courts (voire très courts), et composés essentiellement de dialogues. Chaque chapitre correspond à une tranche de vie : la rencontre avec un client, une soirée avec son ami Xavier, la séance chez le psy, un entretien avec la boite d'escort... Raconté à la première personne, le récit happe le lecteur dès les premières pages par son style épuré et direct. "Je suis fainéante et je me déteste" nous dit la représentante de la génération Y, "lucide" et "objective" au regard de la société de consommation ou tout s'achète et tout se vend. Et on n'en saura pas plus (ou très peu) sur le pourquoi de ce choix. Pour Tennessee, le corps devient une marchandise, les sentiments, un tour de passepasse de Dame Nature pour nous pousser à vivre :
- le truc, c'est que... si les sentiments sont juste censés favoriser ma survie et mes chances de reproduction, rien d'autre n'est vrai, en fin de compte.[...]
- Et ça vous empêche d'avoir des sentiments ?
- Non, non. J'en ai, mais je sais, je sais, qu'ils ne signifient rien.


Ruzé traite de la prostitution estudiantine sans jugement mais sans concession non plus. Il ne donne pas d'explication, ne motive pas les choix. "L'échelle des sens" n’est pas une histoire romantique, ou un hommage au "fantasme de prostitution des femmes" comme dirait Ozon, et n'a rien d'un livre érotique. On y suit la descente aux enfers volontaire d'une jeune femme. Jusqu'où peut-elle se détruire, se faire mal ? Jusqu'à quelle extrémité doit-on tomber pour trouver un peu d'espoir ? C'est dur et cru, la morale n'est pas toujours sauve, et on sent une (petite) pointe de racolage de la part de l'auteur (le sujet, son traitement, la citation écrite en blanc sur fond rouge pour attirer le chaland sur les étagères de la librairie et qui est également le titre de ma critique).
En quête de sens (ou au moins, d'une échelle !), Tennessee nous invite à nous poser des questions sur un sujet dérangeant, conséquence de la précarisation de la société et de sa jeunesse, même s'il n'y a pas de (bonnes) réponses.

Un roman court qui dérange.
Etranges hauteurs 2 étoiles

Un vrai navet totalement inutile... Pourquoi se justifier de pratiquer le plus ancien métier du monde, et même en tirer quelque fierté ?

Et surtout si ce livre est mal-écrit, il n'est que mensonger à propos des graves séquelles que subissent certains prostituées (Escort-girls ou "accompagnatrices" elles ne pratiquent pas toutes par plaisir !) sans omettre les méfaits de la drogue, et le fait que certaines sont models et se servent ainsi de la protection des agences: donc d'une moue boudeuse à un regard cobalt de robot croisé sur un trottoir, elles ne sont pas toujours si loin de nous, d'autant plus que beaucoup proviennent de l'Est et cherchent à tout prix à quitter un pays d'origine en acceptant des marchés plutôt troubles.

Bref, cela ne vole pas haut.

Antihuman - Paris - 41 ans - 3 novembre 2013