Ramuntcho
de Pierre Loti

critiqué par Myrco, le 4 août 2013
(village de l'Orne - 75 ans)


La note:  étoiles
un roman régionaliste à l'écriture remarquable
J'aime Loti pour la remarquable beauté de sa prose, ses longues descriptions talentueuses que certains pourront trouver trop répétitives, sa capacité à nous transporter dans un lieu, un environnement, à solliciter l'acuité de tous nos sens : il ne nous donne pas seulement à voir des paysages, des effets de lumière ; il nous donne à sentir les parfums, à ressentir la densité de l'air, le souffle du vent sur notre peau, l'atmosphère qui s'en dégage et cela me ravit d'autant plus qu'il nous ramène à l'époque d'une nature encore intacte, non polluée ,disparue à jamais.
J'aime Loti pour ce regard mélancolique et lucide qu'il porte sur toute vie et toute chose, sa conscience si aiguë de leur caractère vain et éphémère en ce monde, clé peut-être de sa sensibilité et de son don d'observation.
De cette conjonction des deux naît sans doute ce ton si particulier, si reconnaissable entre tous.
"partout dans la mouillure des feuilles jonchant la terre, dans la mouillure des herbes longues et couchées, il y avait des tristesses de fin, de muettes résignations aux décompositions fécondes."

"Ramuntcho" constitue peut-être après "Pêcheur d'Islande" son écrit le plus célèbre. Point n'était besoin pour lui de nous transporter à l'autre bout de l'Orient pour nous faire découvrir des mondes inconnus, exotiques. Ici, c'est le Pays Basque qui est à l'honneur: sa nature, ses villages isolés de l'intérieur à l'ombre des Pyrénées près de la frontière espagnole, son climat si particulier, son âme, ses traditions, ses spécificités culturelles dans son authenticité encore préservée de cette fin du XIXème siècle. L'auteur fait quasiment œuvre d'ethnologue pour nous faire partager sa fascination pour cette région qu'il choisira comme terre d'adoption, et surtout pour ce peuple aux origines mystérieuses auquel il éprouvera le besoin, dans la vie réelle de mêler ses propres gènes. Certains lui reprocheront d'en donner une vision faussée, un peu folklorique, d'autres au contraire, lui seront reconnaissants d'avoir su être le chantre de leur identité...

Quant au cœur de l'intrigue elle-même, elle aurait aussi bien pu se situer dans un autre contexte. Les personnages principaux, deux jeunes gens, Ramuntcho et Gracieuse se vouent depuis l'enfance un amour pur et profond et rêvent d'un lien éternel. Lui, petit montagnard à l'avenir incertain, fruit bâtard d'une paysanne et d'un père d'origine sociale supérieure, joueur émérite de pelote et contrebandier selon l'heure, tiraillé entre ses attaches et ses rêves d'ailleurs mais ne pouvant concevoir son futur sans sa belle; elle, unie à lui dans un même sentiment que côtoient néanmoins quelques exaltations mystiques. Qu'adviendra-t-il de leur destin sur lequel plane la haine que se portent leurs mères respectives, fières, hautaines et égoïstes ? Loti sème à dessein dans ce récit des notes tantôt d'espoir, tantôt de désenchantement et s'il ballade le lecteur, fidèle à lui-même, il l'achemine tout doucement vers une fin convenue, de son éternel regard triste et désabusé.

On l'aura compris, l'histoire, bien qu'elle lui permette de véhiculer une certaine vision de la vie (notamment son athéisme) ne constitue pas l'essence du roman mais elle est bien plutôt le prétexte à capter les derniers jours d'un monde, d'une tradition et d'une sagesse ancestrales:
"l'âme finissante de cette race dont les débris se sont là conservés".
Pelote et contrebande 6 étoiles

L'intrigue de ce roman est bien loin d'être renversante et originale, elle n'est d'ailleurs presque qu'un prétexte pour mettre en avant le véritable personnage principal de cette œuvre : le pays basque. En effet, la description de ses paysage, de la vie quotidienne de ses habitants ou bien encore des dangers que prennent les contrebandiers qui sont légions dans cette région sont véritablement sublimés par l'écriture de Loti ce qui en fait la principale qualité de ce récit et n'est pas sans rappeler ce qu'a fait Alphonse Daudet avec la Provence.

On peut donc regretter quelque peu que cette belle écriture réussissant à nous plonger sans aucun problème dans ce pays basque de la fin du XIXe n'ait pas bénéficié d'une meilleure histoire même s'il y a pourtant quelques bons passages tandis que Ramuntcho et Gracieuse sont plutôt attachants. Cela a été malgré tout une jolie petite lecture ainsi qu'un beau voyage aux confins de ces Pyrénées presque isolées du reste du monde mais j’aurai quand même préféré que le récit soit centré sur autre chose qu'une histoire d'amour un peu naïve car il y avait matière à le faire.

Koolasuchus - Laon - 35 ans - 21 mai 2021