A trois sur le qui-vive
de Séverine Daucourt-Fridriksson

critiqué par Sissi, le 14 juillet 2013
(Besançon - 54 ans)


La note:  étoiles
"ça y est j'ai le fil où sont les pinces à linge"
Je les ai trouvées. Enfin !
Peut-être faut-il se familiariser un peu avec le style de Séverine Daucourt-Fridriksson pour parvenir à attraper le fil, trouver les pinces à linge et fixer ainsi son tissu de mots avant qu’il ne s’envole sans vous avoir rien montré.
Parce qu’on ne sait pas très bien si elle vous entraîne avec virulence dans son imaginaire ou elle si elle convoque le vôtre avec sommation, quoi qu’il en soit la violence de la rencontre peut gâcher le rendez-vous qui peut prendre des allures de rendez-vous forcé.
Pourtant, si dans « Salerni », les fulgurances étaient trop rares pour pallier un ensemble aux impressions trop mitigées, la tendance s’inverse ici, avec un groupe de textes abouti, extravagant et insensé…enfin… insensé en apparence (ps ces mots ont le sens qu’ils sont)

Construit en sept parties ( Côté mour ; Toujours la même chose je ne vous préviens pas ; Misère de misère ; (Dans l’escalier) ; Carrément peut-être, Guerre de trois deux minutes d’arrêt (Traits de caractère) ; Juste sève), « A trois sur le qui-vive » est un corpus de petits textes qui évoquent la féminité, l’écriture, la vie courante, mais surtout l’amour, dans une dimension fortement érotique et sexuelle, et l’on peut aisément comparer certains passages une véritable orgie verbale, une explosion voluptueuse de mots, de points et de virgules, comme cette dernière page qui peut s’apparenter un une envolée orgasmique ou une apothéose extatique.
L’humour, parfois grinçant, est présent également, comme ce passage… (très gynécologique):

Nue sans slip suspendue pâle appareillée pareil pour toutes couchée femelle mais médecin mâle oui mais paraventé…qui dit rien si ! du doigt apparemment va bien donc plus mal allez à pas bientôt au diable la peur scratchs lacets zip à pas lents reprise de culotte de service

"Misère de misère" est plus sombre:

Pas assez de fric pour se refaire recoudre le rien à foutre

Elle pense à la solution s’amputer se faire saisir par la que des roméos les poches pleines de billets et leur donner tout sauf la langue de femme folle à sec

Provocant et provocateur, ce texte est bel et bien dans la lignée de ce que souhaite faire l’auteure lorsqu’elle écrit. A la question « Quel est votre projet ou démarche poétique ? », elle a répondu « fustiger les évidences, révéler l’incompris, désordonner les frontières intimes, dépasser la sensibilité, chercher une forme hébétée de sens, tomber par surprise sur une autre saveur nichée au creux de l’écriture[…]

Alors on se dit que Séverine Daucourt-Fridriksson est rudement cohérente avec elle-même, à défaut d’être ordonnée avec ses mots.
Mais quel beau fatras !