Léon Chatry, instituteur
de Jules Leroux

critiqué par JulesRomans, le 11 juillet 2013
(Nantes - 65 ans)


La note:  étoiles
L'école de Jules Ferry, la vraie !
"Vérité" le dernier roman de Zola prend pour univers l’école primaire rurale en milieu de concurrence scolaire, le récit démarre avec le viol suivi du meurtre d’un élève et pour les romanciers étrangers au métier d’enseignant c’est cet ouvrage qui serait à retenir. Le roman sur un passage de la vie d’un instituteur est fort en usage dans les deux premiers tiers de la IIIe République et même un peu au-delà puis que Ernest Pérochon publie dans les Années folles "Le Chemin de plaine" qui raconte donc le vie d’un instituteur vers 1905, cet ouvrage est très largement autobiographique comme des études l’ont démontré. De ce genre, l’histoire littéraire a retenu "Jean Coste ou l’instituteur de village" d’Antonin Lavergne pour les auteurs qui furent enseignants en primaire et qui nous intéresse ici de Jules Leroux "Léon Chatry" réédité en 2013 par les éditions Marivole.

Ici avec "Léon Chatry" on suit la première année scolaire du héros en tant que maître, ses rapports avec sa hiérarchie (directeur et inspecteur) sont fortement idéalisés si on compare ce qui est écrit ici avec ce que les instituteurs (survivants) de la Belle Époque confient à Ozouf dans les années 1960.

Si on perçoit bien que ces enseignants de village vivent en cercle assez fermé, une fois accomplies leurs activités éducatives et péri-éducatives on n’approche peu si ce n’est à travers l’envie d’avoir un métier de fainéant comme celui-ci les problèmes avec la population.

Dans "Léon Chatry" les pressions des maires (et autres élus) républicains pour utiliser les instituteurs comme relais politique sont bien décrites. La question de l’enlèvement des crucifix dans les salles de classe qui se pose de façon très importante entre 1905 et 1910 est bien approchée et l’attitude principale pour éviter des vagues est de repeindre une classe sans replacer le Christ. La foi laïque du héros s’étiole face aux réalités du terrain car il voit que les discours qu’on lui demande de tenir ne dépeignent pas la réalité sociale.

Le type d’exercices fait en classe, les punitions distribuées, la visite de l’inspecteur en compagnie d’autres détails significatifs, bref tout ce qui évoque l’encre violette et le bruit de la craie sur le tableau transpire largement. La dimension ardennaise côté français n’est pas oubliée, on trouve avec "Comme va le ruisseau" de Camille Lemonnier l’Ardenne belge découverte par une institutrice bruxelloise en convalescence. Il est à noter que comme Alain-Fournier et Louis Pergaud, Jules Leroux est mort pour la France en 1915, alors qu’il servait comme caporal dans un régiment basé à Rennes durant la Belle Époque.