Valparaiso
de Don DeLillo

critiqué par Kinbote, le 26 mars 2003
(Jumet - 65 ans)


La note:  étoiles
Confusion Privée, confession publique
Un businessman se trompe d’avion pour aller à Valparaiso, Indiana et se retrouve à Valparaiso, au Chili.
L'affaire fait grand bruit auprès des médias. Le pauvre homme est soumis à de nombreuses et rudes interviews dont une qui se déroule (au 2ème acte), tel un procès d’un nouveau genre, sur un plateau de télé en compagnie de son épouse, d'une espèce de voyante hystérique et d'un cynique meneur de jeux. Sa vie privée est rendue publique, étalée, retournée comme une crêpe, l’homme est puni pour un instant de confusion, d'intime déconnexion.
Dans un monde automatisé, entouré d’un « filet de micro-ondes », où le besoin se fait ressentir de tout voir et tout montrer, où « les vies hors caméra [qui] ne sont pas vérifiables » apparaissent comme des crime de lèse-majesté, l’homme ou la femme qui dérogent aux règles de l'Organisation doivent rendre des comptes, payer pour les vies innocentes qui se déroulent entre les espaces des caméras de surveillance, et être exécutés sur écran sous les bruits supposés de grignotements de chips au bacon et de déglutition de boissons gazeuses hyper énergétiques...
Les bourdes autrefois « comiques et attachantes » relèvent aujourd'hui du crime d’état, de la rébellion passive contre l'ordre médiatique établi.
Fiction ou déjà réalité, cette pièce en deux actes du plus visionnaire des écrivains américains ?
Valparaiso, Indiana 8 étoiles

Il s'agit d'un homme qui doit se rendre à Valparaiso, Indiana, pour remplacer un collègue. Parti de Chicago, il prend le mauvais avion pour Miami (suite à une confusion avec Valparaiso en Floride), et ensuite, après une bourde énorme, il arrive à Valparaiso au Chili. Cette erreur à première vue amusante le rend célèbre, mais les média s'emparent de lui et insidieusement sa vie privée est étalée et jetée en pâture.

La scène inaugurale, avec l'épouse qui pédale dans son salon sur un vélo fixe au rythme des nouvelles à la TV est somptueuse et inoubliable. Et le reste du texte est totalement subjuguant car l'humour de Delillo est très particulier, ainsi les phrases parfois incongrues qui reviennent dans les dialogues et qui installent un sentiment d'étrangeté qui nous perturbe et nous force à réfléchir.

Je crois que dans ce texte Delillo condamne la toute puissance des médias, notre dépendance à l'image et à ce qui est filmé et raconté, notre dépendance au progrès technique et aux machines. C'est de la littérature qui rend intelligent et qui procure chaque fois un très grand plaisir.

Saule - Bruxelles - 58 ans - 9 décembre 2012