L'Amérique, ou le disparu (BD)
de Franz Kafka, Réal Godbout (Scénario et dessin)

critiqué par JulesRomans, le 12 juin 2013
(Nantes - 66 ans)


La note:  étoiles
Il était une fois l’Amérique de Kafka
Voilà le premier roman de Kafka (écrit à la fin de la Belle Époque) à jamais inachevé mis en bande dessinée, avec le double titre de " L’ Amérique ou le disparu" ; si le premier est celui sous lequel il a été connu du fait du choix de son premier éditeur (alors que Kafka était mort depuis quelques années), le second est celui choisi par l’auteur.

Y trouve-t-on l'atmosphère sinistre, absurde, dérisoire, bureaucratique qu’évoque aujourd’hui l’adjectif "kafkaïen" ? Si le rêve américain tire vers le cauchemar du point de vue financier pour le héros, on peut également là retrouver l'inaccomplissement de l'individu dans une société où nombre des personnes rencontrés par le héros Karl font preuve d’une grande rigidité pour évaluer toujours négativement le comportement et le travail de ce dernier.

Ce titre de Kafka est un roman de formation et parfois on a l’impression que deux des compagnons de Karl ont pour ce dernier le même rôle que le Chat et le Renard pour "Pinocchio". L’ouvrage tient d’ailleurs du roman de formation et Réal Godbout a su tirer avec habileté l’essence comique dans cette accumulation de malheurs. On est frappé par le fossé entre les caractères extrêmement positifs des femmes et celui très largement négatifs des hommes.

Le volume de texte est assez abondant pour chaque page. Le graphisme présente des décors fouillés et des visages proche de ceux produits par les caricaturistes, on joue entre différentes nuances de gris qui côtoient le noir et le blanc. On notera l’usage de dessins dans le style enfantin pour raconter des souvenirs de jeunesse aux pages 79,80 et 81. Voilà un album qui gagnerait à être présent dans les centres de documentation des lycées tant parce qu’il est l’adaptation d’une œuvre littéraire que parce qu’il dépeint certains aspects de la vie new-yorkaise juste avant 1914.
Illustration plus qu'adaptation 9 étoiles

Je ne connaissais pas Réal Godbout avant de lire cette adaptation de l'Amérique de Kafka en bande dessinée. Il semble que cet auteur québécois soit l'un des maîtres de la Ligne Claire tant ses dessins possèdent les qualités de ceux de la grande époque d'Hergé, Jacques Martin ou Jacobs... Epure, expressions des personnages, décors magnifiques (qu'on en juge p. 22, 27,31, 131, etc..), découpage des planches. Tout rappelle le classicisme du 9ème art mais ça fonctionne parfaitement et la partie graphique de l'album est une vraie réussite.
Godbout s'est contenté de retranscrire en image le premier roman de Kafka, il colle au texte de l'écrivain pragois de façon assez spectaculaire en ne s'autorisant aucune déviation de sorte qu'on pourrait parler à propos de cette album plus d'une illustration du roman éponyme que d'une adaptation. Mis à part la reconstitution du passage manquant dans le roman de Kafka (Karl Rossman se débarrasse de Brunelda), Réal Godbout ne laisse pas son imagination prendre le dessus sur le déroulement et les détails de la prose kafkaïenne.
En conclusion, Godbout signe un excellent album, dénué d'originalité (mais le roman de Kafka est lui-même déjà un objet assez original en lui-même), excellemment bien dessiné et réalisé. Un vrai plaisir de lecture qui doit s'accompagner naturellement par la lecture du premier roman du grand écrivain de la Mittle Europa.

Vince92 - Zürich - 47 ans - 24 août 2017