Anthologie poèmes amour Afrique ailleurs
de Thierry Sinda

critiqué par Amadou Elimane Kane, le 10 juin 2013
( - 51 ans)


La note:  étoiles
Thierry Sinda, poèmes d’amour des Afriques et d’Ailleurs : un document encyclopédique, poétique, culturel et pédagogique
Le travail de Thierry Sinda, enseignant chercheur en littérature et sciences humaines, journaliste et fondateur du Printemps des Poètes des Afriques et d’Ailleurs, s’inscrit dans une démarche à la fois mémorielle, documentaire, littéraire et pédagogique.

En effet, l’anthologie qui réunit les « nouveaux chevaliers de la poésie du monde noir » s’appuie à la fois sur l’histoire littéraire de la Négritude et de ses fondateurs et sur les mouvements pluriels qui s’en inspirent et qui jalonnent un nouveau monde noir : celui des Afriques et des Ailleurs. Répertoriant les plus belles plumes du festival du Printemps des Poètes des Afriques et d’Ailleurs qu’il a créé en 2004, Thierry Sinda rassemble ainsi un corpus colossal qui lui permet d’étayer la richesse des influences poétiques qui traverse la poésie des Afriques mais aussi celle du cercle francophone. Choisissant le thème de l’amour comme cœur central de l’anthologie, il convoque une licence poétique universelle mais qui fait aussi émerger « la spécificité de l’expression amoureuse néo-nègre ».

Cette perspective littéraire est tout à fait intéressante car elle permet de découvrir beaucoup de sensibilités poétiques sans enfermer le lecteur dans un carcan culturel ou communautaire qui n’a plus de sens dans le monde où nous vivons aujourd’hui. Mais permettre de donner à lire, et à entendre à travers le festival, les poètes héritiers de la poésie de la Négritude, est une formidable aventure littéraire et humaine. Comme le souligne Thierry Sinda, la génération des poètes dits de la néo-négritude a aujourd’hui « devoir de mémoire » pour permettre la continuité avec tous les artistes du 20ème siècle qui ont bâti un mouvement centré sur la valorisation de la culture noire pour lutter contre un monde replié alors sur la domination coloniale et les préjugés.

Le festival du Printemps des Poètes des Afriques et d’Ailleurs est le terreau fertile du travail de Thierry Sinda où les œuvres des poètes, connus et moins connus, sont mises dans la lumière. Un long chapitre est consacré à Jacques Rabémananjara, parrain du festival, grand poète du monde noir et héros nationaliste originaire de Madagascar.

Si la première partie de l’anthologie est consacrée aux fondateurs et poètes de la Négritude, traversant le temps et l’espace des Antilles à l’Afrique, en passant par la France et le Vietnam, tout le reste de l’ouvrage laisse une large part aux poètes des Afriques et des Ailleurs de notre époque contemporaine. Ce voyage littéraire, historique et culturel laisse une belle empreinte d’une énergie centrée sur le monde néo-nègre tout en naviguant sur les terres plus vastes de la francophonie.

Chaque poète est ici présenté par une courte biographie et bibliographie et par la publication de plusieurs poèmes. L’anthologie est également accompagnée de documents iconographiques (photographies, reproductions plastiques, etc.) et de documents inédits émanant du festival du Printemps des Poètes des Afriques et d’Ailleurs (correspondances, préface manuscrite de Jacques Rabémananjara, etc.)

Cet exercice documentaire monumental mérite toute notre attention car nous avons besoin de poursuivre inlassablement notre « devoir de mémoire ». C’est à nous, poètes, écrivains, artistes, enseignants, chercheurs, intellectuels de valoriser tout notre patrimoine historique et culturel afin de constituer les bibliothèques de demain et d’enrichir la masse infinie de la documentation numérique. Ainsi Thierry Sinda fait acte littéraire, historique et pédagogique.

La première partie, dont on peut dire qu’elle appartient à notre patrimoine littéraire, est la synthèse des auteurs majeurs de la Négritude des années 1940 et 1950, ces hommes et ces femmes qui ont édifié les piliers solides du monde noir pour lutter contre le colonialisme et les injustices. Les poèmes réunis ici sont tous placés sous le signe de l’amour donnent une nouvelle perspective du mouvement de cette époque et permet de revisiter la poésie et de redécouvrir des poètes aujourd’hui mondialement célèbres.

Et ce qui est fort intéressant, et qui se confirme dans la seconde partie, c’est la dimension plurielle et cosmopolite de cet itinéraire poétique et historique. On traverse aussi bien les terres de l’Afrique que les océans pour rejoindre les Antilles, Madagascar et les espaces francophones.

C’est aussi le cas pour le chapitre consacré aux poètes des Afriques qui offre une vision contemporaine de la poésie néo-nègre.

Chaque partie est divisée en zone géographique. Les Antilles d’abord puis l’Afrique noire, Madagascar, les Comores, l’Algérie, le Maroc et la Tunisie où chacun des poètes se rassemblent sur les terres aériennes de l’expression amoureuse.

Tous ces poètes ont habité en divers lieux du monde et leur poésie est marquée aussi de cela. De cette capacité magnifique à écrire singulièrement, au moyen de leur langue originelle, leur particularisme culturel tout en s’imprégnant des mondes qui les entourent.

C’est peut-être cela qu’il faut retenir, l’anthologie de Thierry Sinda rassemble les beautés du monde littéraire néo-nègre tout en formant une ronde arc-en-ciel qui ne cesse de grandir, qui œuvre pour abolir les frontières et mettre à terre l’ignorance.

La néo-négritude ou la Renaissance de la civilisation noire passe par cette étendue de mots poétiques et d’intentions culturelles et historiques fortes.

L’anthologie de Thierry Sinda est un document qu’il convient de diffuser, de promouvoir pour faire briller les flambeaux majestueux de notre Renaissance.