The beats : Anthologie graphique
de Collectif

critiqué par Blue Boy, le 8 juin 2013
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
Indigeste
En vingt chapitres, des auteurs s’inscrivant dans la mouvance du roman graphique américain racontent avec passion l’histoire des Beatniks, dont les représentants plus emblématiques étaient Jack Kerouac, Allen Ginsberg, William Burroughs. La Beat Generation, qui a connu une vie d’excès et d’intense créativité, aura marqué durablement de son empreinte la littérature et la création mondiale.

Produire une anthologie des Beatniks était une bonne idée. Ce mouvement qui a vu le jour dans les années 50 demeure une référence culturelle de poids sur le plan mondial, et nombre d’artistes actuels, aujourd’hui encore, y puisent leur inspiration. Le projet, ambitieux et sans aucun doute sincère, aurait pu être passionnant. Il s’avère juste ennuyeux, et c’est bien dommage.

La moitié de l’ouvrage expose la biographie des trois figures les plus célèbres, Kerouac, Ginsberg et Burroughs, la seconde partie étant consacrée aux seconds couteaux ou à ceux qui ont participé à la genèse du mouvement. Pour les deux tiers, un seul dessinateur, Ed Piskor. Pour le tiers restant, plusieurs dessinateurs dont la sympathie à l’égard des Beatniks paraît évidente, ne serait-ce que par le style graphique peu conformiste et plus ou moins déjanté. Du coup, on se demande pour quelle raison on a confié la main à Piskor pour la majeure partie du projet. Si son trait est soigné, je le trouve par ailleurs assez pataud. Les corps ont l’air avachi et paraissent disproportionnés avec des bras simiesques. Les personnages ont des expressions souvent ahuries, parfois carrément éteintes, et je ne pense pas que ce soit voulu, même si les Beatniks il est vrai avaient tendance à abuser de substances diverses et variées… Le dessinateur se contente de les dessiner, case après case, avec assez peu de fantaisie graphique. On les voit le plus souvent saouls, drogués, colériques ou déprimés… du coup ça devient déprimant… Je ne dis pas qu’il aurait fallu systématiquement enjoliver la vie de ces artistes, mais une telle évocation ne me paraît pas des plus adaptées, le manque de délire et de légèreté y est criant. D’autres dessinateurs de la seconde partie (Summer Mc Clinton, Peter Kuper, Mary Fleener, Anne Timmons) auraient pu produire quelque chose de plus original.

Et pourtant, pas sûr que cela aurait suffi. L’autre handicap de cette anthologie est le texte, omniprésent et beaucoup trop dense, faisant passer le dessin au second plan. On se dit même parfois qu’il aurait été préférable de faire un livre plutôt qu’une BD… En outre, il n’est pas question de faire chavirer le lecteur par des envolées littéraires ou poétiques. Les auteurs se sont bornés ici à raconter les biographies des artistes, glissant çà et là des anecdotes dont certaines sans grand intérêt, énumérant les dates et les faits, point barre. Un vrai boulot de fan. Pour ma part, j’aurais au moins apprécié, par exemple, qu’un ou plusieurs écrits de chaque artiste soit illustré. Cela aurait pu créer des respirations entre chaque biographie. Rien de tout cela, hélas.

J’avoue avoir rarement autant peiné pour lire une BD. Je ressors ainsi très déçu d’une lecture qui recelait pourtant quelques promesses, à commencer par l’objet lui-même assez attractif.
"...sur un tonneau de whiskey au milieu d'un harem." 4 étoiles

Un livre que je n'ai pas trop compris. Je ne vois pas l'intérêt de dire que Kerouac était constamment halluciné sur sa montagne, cela n'empêche son réel génie avec ou sans drogues. Et il n'était pas encore une autre starlette, quant-à-lui...

Ensuite le style potache habituel des auteurs (pour qui jette un oeil de temps en temps sur ce qui PEUT être, et non sur ce qui est déja depuis fort longtemps) - notamment de Harvey Pekar - peut séduire mais est un peu agacant à la fin. Leur vision du globe telle une immense université qui instruirait sans aucun problème tous les illetrés possibles et inimaginables est sans doute très américaine, mais terriblement utopique. Avec eux il n'y aurait jamais eu d'Hitler ni de Khomeiny !

Bref je ne vois humblement rien d'autre à ajouter aux commentaires audacieux de Blue Boy et DomPerron, qui cartonnent en plein dans le mille à mon avis. Et puis faire de Allen Ginsberg un vrai saint beatnick est horripilant à la longue, ils devraient aussi penser à réécrire la Bible on a besoin d'eux. Quelques poètes inconnus et très talentueux trouveront néanmoins grâce aux yeux du lecteur tels de toute évidence, Lamantia, Kenneth Patchen, ou Slim. Par exemple.

Et bien sûr, l'histoire de l'écrivain Burroughs est la plus valable et de loin.

Antihuman - Paris - 41 ans - 13 mai 2014


Des beats rebattus 4 étoiles

Suivant depuis plus d’une quinzaine d’années les ouvrages qui touchent de près ou de loin à la Beat génération, j’avais remarqué avec beaucoup d’intérêt la publication de cette anthologie graphique, sous la direction de Harvey Pekar, en 2010.

Par contre, dans leur présentation, lui et Paul Buhle nous prévient de ceci : ''Le livre que vous avez entre les mains est une bande dessinée qui n’est ni une étude en profondeur, ni une interprétation littéraire.''

Cet avertissement, que le lecteur devra toujours garder en tête, rabat la mythologie et la profondeur de ce mouvement littéraire à une simple notion de représentation visuelle.

La narration est pauvre, dépourvue de sens critique, comme peut l'être la récitation sèche d’un étudiant blasé au secondaire qui s’appuie uniquement sur Wikipédia. Sans âme. Sans oublier plusieurs éléments qui sont répétés, par exemple, les raisons pour lesquelles William S.Burroughs choisit de s’installer à Tanger.

La première moitié de ces 200 pages se consacre aux trois écrivains de la trinité beatnik : Kerouac, Ginsberg et Burroughs. Le reste de la BD lance une succession de petits portraits, pour ne pas dire clichés, sur d’autres personnages influents du mouvement, comme Gary Snyder ou Lawrence Ferlinghetti, qui auraient pu avoir quelques pages supplémentaires. D’ailleurs, un chapitre complet consacré à Neal Cassady manque à cette anthologie, ce qui constitue une faute à mes yeux.

J’ai aussi été profondément ennuyé par la dizaine de pages sur la librairie City Lights qui à certains moments ressemblait davantage à une infopublicité qu’à une bande dessinée…

Enfin, mention spéciale au travail présenté de Joyce Brabner sur les nanas beatniks (Carolyn Cassady, Joan Kerouac, Diane Diprima, Joyce Johnson, etc…). Sujet très intéressant, trop souvent négligé par les spécialistes ou les universitaires, mais qui aurait dû avoir une place plus importante dans cette anthologie.

DomPerro - - - ans - 21 août 2013