Retour sur l'horizon: Quinze grands récits de science-fiction
de Collectif

critiqué par AmauryWatremez, le 4 juin 2013
(Evreux - 55 ans)


La note:  étoiles
SF trop explicite
Gallimard, dans la collection « Folio SF », vient de rééditer cette anthologie de SF francophone précédemment parue chez « Lunes D'Encre ». Refermant ce pavé pourtant agréable à lire, ce qui est déjà quelque chose d'extrêmement positif pour de la littérature française, j'ai comme la sensation d'être resté un peu sur ma faim, je suis un peu dubitatif.

Les nouvelles et « novellas » présentées dans ce recueil égrènent des thèmes classiques de la SF, et se situent presque toutes dans le registre de l'anticipation pure qui est un genre un peu agaçant par sa manie de vouloir décrire avec tous les détails techniques afférents un futur dont rien n'est moins sûr qu'il advienne.

C'est de la SF « explicite » à la manière d'Asimov, qui voulait même raconter quant à lui l'histoire du futur, selon ses conjectures, et le lecteur se perd quand même un peu en route.

Les autres auteurs anglo-saxons ont pour eux de savoir donner de l'humanité à leurs personnages, de la chair. Ils décrivent des machines sans en expliquer le fonctionnement car cela n'a aucune importance quant à l'histoire qu'ils veulent raconter et la réflexion qu'ils veulent éventuellement provoquer chez le lecteur. Parfois même les écrivains dits « du genre » se débarrassent de tout l'attirail et du décorum rutilant autour, ainsi « Crash » ou « le massacre de Pangbourne » et certaines des « dangereuses visions » d'Harlan Ellison.

Chez Philip K Dick, ou chez Ballard, les ordinateurs et les androïdes fonctionnent avec des cartes perforées, dans les « Chroniques Martiennes », les fusées de Ray Bradbury sont encore des fusées « hergéennes » phalliques qui décollent de travers des planètes, mais cela ne change rien à leur talent, car ils se souviennent d'un élément pourtant évident du genre :

la SF ne parle pas du futur, elle ne parle pas de nos descendants, mais de nous et de notre présent, du moins la SF qui présente un intérêt littéraire. « 1984 » ne raconte pas la vision d'Orwell décrivant précisément l'année 1984 telle qu'il l'imaginait, ainsi que j'ai pu le lire, « Le Meilleur des mondes » d'Aldous Huxley n'est pas une sorte de prédiction, « Farenheit 451 », encore de Bradbury, ne se veut pas un traité de prévisions ou « Tous à Zanzibar » de John Brunner. Tous ces livres évoquent les dangers que notre société court, dangers largement négligés par la plupart des individus peuplant cette petite planète dans un coin paumé de la galaxie où il n'est plus de bon ton de lire des livres qui incitent à la réflexion sur nous-mêmes.

C'est aussi de la SF dite « implicite », quand un personnage utilise un tournevis atomique, l'auteur ne dit pas à quoi ça sert, ou ne cherche pas à décrire comment ça fonctionne, ce qui le ridiculise à plus ou moins terme et donne plus de force à son propos. On va sur la Lune ou Mars sans dire à quelle époque et de quelle manière la conquête spatiale s'y est prise.

Les français en bons cartésiens qu'ils sont, à moins que ce ne soit de l'étroitesse d'esprit pour certains d'entre eux, appréciant de ranger dans des petites cases la production littéraire, ne comprennent la SF qu'ainsi, faisant de la vulgarisation de futurologie, et très explicite et, à de rares exceptions dans ce livre dont André Ruellan, alias aussi Kurt Steiner, ou Philippe Curval, qui raconte une dystopie uchronique (ou une utopie enfin réalisée !), « Dragonmarx ». L'écriture, le style, la construction des personnages, le travail littéraire en quelque sorte, ne sont plus que des prétextes pour les auteurs à exposer leur vision de l'avenir, leurs craintes, leurs espérances ou faire passer leur message politique ou idéologique. On me rétorquera que même dans ce genre d'écrits, il est vrai qu'il y a aussi des auteurs de renom. Plus rares.