Les lances du crépuscule : Relations Jivaros, Haute-Amazonie
de Philippe Descola, Philippe Munch (Dessin)

critiqué par Sebkzo, le 4 juin 2013
(Tena - 48 ans)


La note:  étoiles
Romancer le récit d'un scientifique
Deux années passées à vivre avec les Ashuars d'Equateur, deux années à vivre dans la jungle, étudier leur mode de vie, leurs coutumes, apprendre leur langue, les comprendre. Philippe Descola et sa compagne en ont ramené un récit qui aurait fait un excellent roman d'aventure si tout n'était pas vécu.
Leurs souffrances, leurs inquiétudes, leurs difficultés à s'intégrer dans un monde aussi différent, tout y est et rien n'est caché. De la plus petite anecdote concernant leurs chaussures qui après plusieurs mois de services furent abandonnées, laissant deux françaises pieds nus dans la jungle à l'instar de leurs compagnons, Philippe Descola ira jusqu'à relater les détails les plus intrigants de cette culture que l'on a trop souvent réduit à leur surnom de réducteurs de têtes.

Ce livre est une chance, une opportunité de découvrir un monde que l'on ne soupçonne pas. Le style n'a rien à voir avec la thèse qui a dû résulter de cette expérience unique, chaque page est dévorée et chaque aventure fait battre le coeur du lecteur au rythme d'émotions diverses.

Un chef d'oeuvre du genre
Deux années chez les Achuar 10 étoiles

Philippe Descola a vécu deux années avec les Achuar d’Équateur et nous raconte ici son séjour. Il était accompagné de son épouse Anne-Christine et ce fait facilita grandement son intégration car les Achuar ne le percevaient pas comme un rival du fait qu’il possédait déjà une femme. Le couple s’installe donc chez Wajari et ils adoptent la mode de vie de la tribu qui l’accueille. Philippe Descola ne connaissait pas la langue donc les premiers contacts furent assez ardus et la compréhension difficile mais il ne tarde pas à apprendre suffisamment de mots pour pouvoir soutenir une conversation avec son hôte. Il s’attelle donc à la tâche d’observation qu’il s’est assigné. Anne-Christine doit participer aux travaux féminins alors que monsieur Descola adopte le mode de vie des hommes. Il consigne par écrit toutes ses observations et ses expériences et nous les livre dans ce livre exceptionnel. Tous les aspects de la vie des Achuar sont abordés : nourriture, hygiène, relations entre tribus, vie de couple, conflits, meurtres, vengeance, femmes battues, chamanisme, croyances superstitieuses, honneur, négoce, artisanat, rites funéraires etc., enfin tout ce qui constitue le quotidien d’une communauté humaine vivant au coeur de la jungle équatorienne.

Comme le mentionne Sebkzo, ce livre est un chef-d’oeuvre rien de moins. J’ai particulièrement apprécié les chapitres sur l’interprétation des rêves, les amitiés sélectives, la chasse, les rites funéraires et les expéditions vers les communautés voisines.

Je suis enchantée de ma lecture et je connais désormais beaucoup mieux les Achuar dont la culture particulièrement riche est malheureusement en voie de disparition. C’est un peuple que monsieur Descola sait nous rendre attachant. Les liens familiaux sont, par contre, tellement compliqués que j’ai renoncé à retenir tous les noms tellement ils sont nombreux pour me concentrer sur les rites et les moeurs décrits.

Un livre magnifique à tous points de vue. Les photos sont pertinentes et les illustrations de Philippe Munch nous donnent une excellente idée de la vie quotidienne de ce peuple et de leurs habitations. Le glossaire est très utile pour bien comprendre tous les mots achuar émaillant le texte.

“La lance du crépuscule arrive, fils, mon fils
Vite, évite-la !
La lance du crépuscule arrive, fils, mon fils
Mon fils Soleil, la lance du crépuscule vient à toi
Vite, esquive-la !
L’emesak, ainsi dit
Qu’il ne te guette pas, fils, mon fils
Qu’il n’ait pas de toi la claire vision des transes du natem
T’éloignant peu à peu
Que chacun de tes pas se déguise en palmier chonta.”

Dirlandaise - Québec - 69 ans - 5 septembre 2013