La rive est loin
de Ying Chen

critiqué par Libris québécis, le 2 juin 2013
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Un couple boiteux
Avec huit romans, Ying Chen a construit l’univers d’une femme probablement asiatique. L’auteure cache tout indice susceptible d’identifier le camp social de son héroïne. Même le prénom se réduit à un simple V. Et son mari est affublé de la lettre A. Qu’est-ce que A. et V. ont fait de leur vie ? La Rive est loin donne une réponse plutôt évasive même si A. meurt d’un cancer. Révéler le dénouement n’enlève rien aux enjeux romanesques de l’œuvre, car la donne est livrée dès le prologue.

A. est un archéologue qui a marié une femme énigmatique en quête de racines. Son attachement à des vies, qui auraient peut-être fait d’elle un chat par le passé, dénote une origine orientale. Même si l’auteure tente d’atteindre l’universalité, on sent que V. est probablement une femme orientale. Une femme qui se questionne au point de gâter sa vie et celle de son conjoint. Une femme qui se demande si l’amour a guidé sa destinée. La réponse semble négative, mais la mort de son mari lui prouve le contraire. La maladie a rapproché ce couple intemporel, détaché de la vie qu’il mène.

Les personnages d’Ying Chen revêtent une armure plutôt aseptique. L’auteure n’écrit pas pour toucher le lecteur afin qu’il conserve son objectivité pour juger des enjeux mis en cause. Mais avec son dernier roman, elle pénètre quelque peu le champ affectif. Elle transporte ses protagonistes dans la montagne, où jadis ils se sont donné des signes d’affection. Ying Chen est très pudique. Mais cette fois-ci, elle fait ressortir les sentiments qui ont animé ce couple mal assorti. Ce qui lui a manqué, c’est un enfant qu’il a perdu et qui lui aurait donné sa complétude.

Une complétude toujours en devenir car « la rive est loin » pour y arriver. C’est tout de même un monde meilleur qui se construit de l’autre côté de la rive. Il faut avoir l’espoir d’y habiter un jour. Malgré la déprime qui parcourt le roman, une lumière éclaire la fin du tunnel.

C’est beau, mais la manière de l’auteure ne crée pas d’osmose avec les protagonistes même si l’auteure a tenté de les incarner davantage en leur confiant la narration tour à tour.