Marx
de Corinne Maier (Scénario), Anne Simon (Dessin)

critiqué par JulesRomans, le 31 mai 2013
(Nantes - 66 ans)


La note:  étoiles
Pour ceux qui ne seraient pas marxistes tendance Groucho
Chez Dargaud paraît cet intéressant album destiné à vulgariser ce que fut la vie de Karl Marx. Cette expérience n’est pas nouvelle et on se rappelle du "Marx" avec un texte du philosophe (et militant trotskyste Daniel Bensaïd et une illustration de Charb) et l’on sait qu’en 2011 et 2012 les éditions du Soleil avaient mis en vignettes les deux principales œuvres de Karl Marx. Avec l’album "Marx" de Corinne Maier et Anne Simon on s’adresse à un très large public qui n’a pas obligatoirement d’idées ni sur Karl Marx, ni sur l’histoire des internationales ouvrières, ni en sciences économiques.
Les notes d’humour sont basées parfois sur des anticipations, ainsi à la page 51 lorsque le héros apprend que le censeur russe a déclaré que "Le Capital" était tellement abscons qu’on pouvait laisser circuler sa traduction en russe, dans la bulle qui porte les onomatopées du rire de Karl Marx se dessine le visage de Lénine. Des longues explications sont remplacées avantageusement par une suite de dessins, on voit le système d’accumulation du capital sinon magistralement expliqué aux pages 28 et 29, du moins mis à la portée des lecteurs de façon très parlante.

Les débats au sein de la Seconde internationale sur la possibilité de voir poindre une révolution ouvrière, sur le développement de la colonisation ou autour de la notion de dictature du prolétariat sont présents aux pages 41 et 42 et 47-48 par exemple. Pour mieux faire passer la société idéale communiste souhaité par Marx, le choix est fait de caricaturer (page 49) celle des hippies qui ne se dessine qu’un siècle après la parution des œuvres majeures de notre personnage. Seuls quelques esprits chagrins s’en offenseraient, dans la mesure où le clin d’œil est clairement humoristique et se termine par l’apparition d’un personnage en cravate de style professeur mandarin d’université interpellant Marx ainsi : « Un paradis sans Dieu ? T’as fumé le père Marx ».

Les six dernières pages évoquent l’usage qui fut fait, pas toujours de façon libératoire, de la pensée de Marx au vingtième siècle, combien entre 1989 et 2008 les idées marxistes apparaissaient ringardes au commun des mortels et comment depuis les premières années du deuxième millénaire le capitalisme apparaît en crise.
À mort le capitalisme ! 10 étoiles

« Je m’appelle Karl Marx. J’ai jadis été surnommée « Le diable » car j’ai voulu mettre à mort le capitalisme. »

Ainsi commence cet album très amusant relatant la vie de Karl Marx. Évidemment, comme dans toute bonne biographie, l’histoire commence avec la venue au monde du grand homme à Trèves en Rhénanie en 1818. L’auteure déroule ensuite la relation de Marx avec ses parents, son ennui face à ses études d’avocat alors qu’il rêve d’être poète, ses amours avec la belle Jenny qu’il finira par épouser pour lui offrir une vie en dents de scie alternant entre misère et richesse car il aura la chance d’hériter à quelques reprises. Lors de son séjour à l’université de Bonn, Marx découvre la philosophie avec Hegel et dès lors, sa vie en est changée. Ensuite, ce sera le premier travail comme journaliste puis rédacteur en chef du journal « La Gazette rhénane ». Puis, ce sera Paris et la rencontre avec Engels qui donnera naissance à une amitié et une collaboration qui durera jusqu’à sa mort. Bien d’autres bouleversements et péripéties attendent le lecteur. La vie de Marx fut loin d’être un long fleuve tranquille, ses idées lui valurent d’être considéré comme dangereux par les différents gouvernements des pays où il séjournait, l’obligeant sans cesse à s’exiler. Son entêtement et son aversion pour le travail laisseront souvent sa famille aux prises avec la misère noire. Évidemment, Marx ne dédaignait pas les héritages et il aimait bien la vie de grand bourgeois qui s’ensuivait. Énorme contradiction entre sa philosophie et la réalité… Il était bon vivant, aimait les femmes et la bonne chère.

J’ai bien aimé cette bande dessinée fort instructive. Les dessins sont amusants, l’ensemble est vivant et coloré. J’ai aussi beaucoup apprécié l’humour avec lequel le caractère de Marx est présenté. Bref, un très bon album qui divertit et instruit tout à la fois. Il donne surtout l’envie d’en savoir plus sur Marx.

« Je prépare un livre qui dévoilera les lois de l’économie. Dans notre monde, tout s’achète, tout se vend. Les capitalistes nous vendront même la corde pour les pendre. Hélas, je ne pourrai pas l’acheter, je suis trop pauvre. Je ne pense pas qu’on ait jamais écrit sur l’argent tout en en manquant à ce point. »

Dirlandaise - Québec - 69 ans - 10 septembre 2014


Ca va vite, vite... 6 étoiles

Malgré sa célébrité, Marx et sa pensée n’avaient pas encore été beaucoup abordés dans le cadre de la bande dessinée (hormis Le Capital, adapté en Manga en 2011). C’est dans un ton ludique et farfelu que Corinne Maier au scénario et Anne Simon au dessin s’y attellent…

Marx naît en 1818 en Rhénanie, dans une famille juive convertie au protestantisme, et prend d’emblée la parole pour nous conter les moments décisifs de sa vie : son adolescence puis ses études de droit à Bonn, sa passion pour Hegel, son mariage, la création de La gazette rhénane, son exil à Paris puis à Bruxelles et Londres, sa rencontre avec Friedrich Engels…

Vie de petit-bourgeois pour ce penseur anti-capitaliste, nourrie par les rentes d’Engels et les héritages familiaux. De pamphlets en révolutions théoriques, c’est cette image pleine de paradoxes qu’ont décidé de mettre en avant les auteurs, proposant une identité de diable oisif préférant s’astreindre aux périodes de misère plutôt que de céder à l’esclavagisme du monde du travail.

Se voulant un minimum didactique, ce livre vole pourtant au-dessus de l’histoire comme le fait parfois le personnage lui-même dans certaines cases. Difficile d’être effectivement exhaustif quant aux idées et événements de la vie de Marx, surtout lorsque le parti est pris d’en faire une sorte d’intellectuel égoïste et loufoque… Graphiquement, il n’y a pas d’incohérence : dynamisme, plaisantes fioritures, souci du détail et espièglerie sont au menu.

Amusant, donc, apéritif surtout, poussant les plus curieux à aller voir plus loin et revenir plus en profondeur sur l’auteur de Das Kapital et du Manifeste du parti communiste écrit avec son ami Engels, débroussaillant ainsi les clichés et les amalgames.

Bluewitch - Charleroi - 45 ans - 27 août 2013