Coulez mes larmes, dit le policier
de Philip K. Dick

critiqué par AmauryWatremez, le 24 mai 2013
(Evreux - 54 ans)


La note:  étoiles
Autofiction de SF
Dick faisait de l'autofiction au sein d'un genre mal perçu, se souciait plus de ses thèmes favoris (les simulacres, les fondements de l'autorité, qu'est-ce que la réalité ?) que de "faire vrai".

Dans ce roman, un présentateur vedette de télévision, spécialiste du faux, se retrouve à faire la même expérience que monsieur Tagomi dans "le maître du haut château", il change de monde et se retrouve dans une dimension où il n'est rien. C'est en faisant une véritable expérience d'altérité, considérée comme homosexuelle par les premiers éditeurs français qui la censurèrent, qu'il pourra retrouver le monde réel.

Extrait :

De V.I.P. à R.I.P.
"- Ca ne tient pas debout. Vous êtes une célébrité, c'est vrai. Votre façon de prendre la pose était un réflexe. Pourtant, vous n'êtes pas connu. Il n'existe pas de Jason Taverner qui compte, qui soit quelqu'un. Alors, qui êtes-vous ? Un homme qu'on photographie tout le temps et que personne n'a jamais vu ni entendu !

- J'agis comme agit toute célébrité dont personne n'a jamais entendu parler."
Inceste, parasites et drogues dures 9 étoiles

Mon deuxième Philip K. Dick et un second coup de cœur. Je ne suis pas grand lecteur de science-fiction; je trouve les bons romans rares dans ce genre qui abonde de clichés. Ceci dit, j’avoue parler un peu à travers mon chapeau puisque j’en ai lu si peu. L’œuvre de Philip K. Dick est connue même de ceux qui n’ont jamais entendu parler de lui. Nombre d’adaptations cinématographiques de ses romans ont obtenu un immense succès populaire : Blade Runner, Total Recall, Minority Report, A Scanner Darkly et plus récemment l’adaptation télévisuelle de Man in the High Castle.

Dick fait partie de ces auteurs de « paralittérature » qui transcendent la niche de leur genre et rejoignent des lecteurs de tous les horizons. Dans « Coulez mes larmes, dit le policier », un animateur de télé/chanteur de charme ultra-connu du nom de Jason Taverner se réveille un matin dans un monde où personne ne se rappelle de lui, un monde qui ne contient même aucune trace de sa naissance, dans un état policier où l’absence de papiers peut vous mener directement en camp de travail.

L’amorce du récit n’est pas particulièrement originale. Ce qui fait la force du roman, ce sont les personnages de Dick, la façon avec laquelle il décrit leurs rapports avec la structure sociale oppressante, leurs névroses décuplées par l’abondance de possibilités dans un monde futuriste où de puissantes drogues peuvent vous ouvrir des portes entre les dimensions, des plaisirs sensoriels qui grillent votre cerveau de façon irrécupérable, parfois jusqu’à la mort. L’histoire se développe rapidement, sans aucun temps mort, dans une économie narrative qui frôle parfois le résumé. Beaucoup de bonnes idées, d’images fortes et de personnages d’une étonnante profondeur. Court, efficace et mémorable.

ARL - Montréal - 38 ans - 21 mai 2016