Le pont dans la vase : L'intégrale - du tome 1 au tome 4
de Chomet (Scénario), Hubert Chevillard (Dessin)

critiqué par Blue Boy, le 23 mai 2013
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
Une vase qui (hélas) a fini par submerger la série
Dans une ville imaginaire édifiée sur des ponts et cernée par les eaux vaseuses, où le temps s’est figé dans un XIXème siècle totalitaire et obscurantiste, la jeune Camille va devoir déployer toute son énergie pour lutter contre une phallocratie obtuse et stupide qui a verrouillé toutes les sphères du pouvoir jusqu’à interdire au genre féminin l’accès à la connaissance. Une histoire pour le moins rocambolesque avec des personnages hauts en couleur dans un univers à la fois absurde et onirique.

« Le Pont dans vase » est une BD unique en son genre. Ceux qui ont apprécié le dessin animé « Les Triplettes de Belleville », dont Chomet était l’auteur, retrouveront sans déplaisir cet univers à la fois délirant, sombre et grinçant, sous le pinceau leste et élégant de son compère Chevillard.

Les thématiques développées sont dignes d’intérêt et les lectures multiples, On peut y voir notamment un plaidoyer en faveur de l’affirmation de soi-même, ainsi qu’une incitation à lutter contre la bêtise et l’obscurantisme. L’aveuglement d’une caste de savants bornés y est brocardé de façon cinglante, face à la raison et l’esprit de résistance incarnés par la jeune et énergique Camille, obligée de se travestir en garçon pour pouvoir étudier.

Cependant, ce qui m’a beaucoup frappé, c’est le traitement irrégulier du style graphique tout au long de la série. Chevillard ne manque pourtant pas de talent, mais dans le tome 3, son dessin et la couleur semblent avoir été bâclés, comme s’il avait manqué de temps. Du coup, le tir a été ajusté au tome suivant, au point qu’on dirait qu’il a passé le flambeau à un autre dessinateur ! Du coup, cela créé des ruptures étranges qui me paraissent plutôt préjudiciables à la cohésion d’ensemble.

Le scénario reste toujours empreint d’une folie permanente, distillant un certain malaise, contrebalancé par l’imagination débridée des auteurs, mais au risque parfois d’une certaine confusion. En outre, le rythme du récit s’accélère à mon sens de façon trop marquée vers la fin du tome 4, comme si encore une fois les auteurs avaient voulu terminer l’épisode dans la précipitation. J’étais d’ailleurs persuadé qu’il s’agissait du tome final, alors qu’en fait, la mention « fin du quatre » à la dernière page laisse entendre qu’un cinquième tome devrait être publié… ou plutôt aurait dû l’être, car celui-ci remonte déjà à 2003 alors que la série a démarré en 1993 ! On a donc toutes les raisons de penser que la série a bel et bien été abandonnée.

Dommage ? Je n’irais peut-être pas jusque là, mais ce goût d’inachevé ne fait que venir s’ajouter à un traitement des plus capricieux, chose que je n’avais jamais observé à ce point dans tout ce que j’ai pu lire en matière de BD… On en ressort avec une vague impression de gâchis… comme si ce projet pourtant très ambitieux avait été mené avec trop peu de rigueur…