Stratagèmes de la seconde guerre mondiale
de Jean Deuve

critiqué par JulesRomans, le 24 mai 2013
(Nantes - 66 ans)


La note:  étoiles
De stratégies de désinformation semblables de descendants des Vikings et des Alliés de la Seconde Guerre mondiale
L’auteur passe en revue quasiment toutes les affaires d’espionnage, de leurres ou d’intoxications menées durant la Seconde Guerre mondiale du côté des Français, Anglais et Américains ainsi que par les Allemands.

Si l’Extrême-Orient et le Pacifique sont évoqués ce n’est pas de manière exhaustive, ainsi l’affaire Sorge est-elle éludée. Par contre en ce qui concerne les autres fronts, cet ouvrage rassemble une très riche collection d’évènements. La conséquence est que chacun d’entre eux est présenté de façon assez concise, on va donc à l’essentiel mais avec à la fin de chaque chapitre on a un renvoi à un texte d’un historien professionnel qui traite à fond de la question évoquée.

Jean Deuve a donné priorité à l’inédit et par exemple il a fait le choix de ne pas traiter de l’Affaire Cicéron car elle a été assez médiatisée et surtout parce que les Allemands sont restés toujours très sceptiques sur les informations délivrées par un agent né au Kosovo (alors que ce dernier était turc) qui comme on le sait aujourd’hui fut manipulé par les services anglais pour distiller de fausses informations sur la perspective d’un débarquement dans les Balkans.

Par contre parce qu’elle fut un réel succès avec des conséquences très importantes, Jean Deuve s’attarde en huit pages sur l’affaire Mincemeat et en particulier comment passa à partir des Espagnols jusqu’à l’Abwehr la fausse information d’un débarquement en Sardaigne alors que celui-ci eut lieu en Sicile à l’été 1943. Pour les Allemands les faits commencent ainsi :

« le 30 avril 1943 un pêcheur espagnol aperçoit un cadavre revêtu d(un gilet de sauvetage et la serviette qui lui est attachée. (…) le docteur Contosio certifie que le major Martin a été noyé et que le corps a dû séjourner cinq ou six jours dans l’eau ».

Jean Deuve connaît parfaitement l’épopée normande qui a conduit les descendants des Vikings à conquérir l’Angleterre et le sud de l’Italie environ 150 ans après l'octroi d'une terre dans le royaume de Francie occidentale, aussi il rappelle fort adroitement que l’on peut apparenter telle idée en usage durant la période 1939-1945 à une action ayant eut lieu entre le XIe et le XIIe siècle.

Au début de l’ouvrage il présente un tableau très clair des services de renseignements existants pour l’Allemagne, les USA, le Royaume-Uni et la France. Une excellente introduction d’Éric Denécé directeur du Centre de recherche sur le renseignement définit ce qu’il appelle les registres de la tromperie : stratagème, déception (ici il s’agit d’induire en erreur), mystification, intoxication, désinformation.

Ce dernier rappelle que dans un article de mars 2001 le général Dudley Clarke rappelait qu’une intoxication, surtout si elle ne se donne pas des objectifs très précis, risque d’être contre-productive. Ainsi les forces italiennes se trouvèrent renforcées à Keren dans la colonie d’Érythrée en 1941 où les Anglais débarquèrent parce que les forces du Duce décidèrent d’abandonner la Somalie britannique estimant qu’elles ne pourraient la défendre face aux actions attendues là. Or ces dernières opérations n’étaient que le fruit de l’imagination des services secrets britanniques, dans le but justement de faire mouvoir des forces italiennes de Keren vers la Somalie britannique.

La vie de Jean Deuve fut celle d’un agent en Indochine (en particulier entre 1943 et 1945 au Laos) puis d’un dirigeant de services secrets et l’on lira avec plaisir et intérêt l’ouvrage " Jean Deuve "qui lui a été consacré en 2013 par Christophe Carichon.