10 ans 3/4
de Fred Paronuzzi

critiqué par Miller, le 8 mars 2003
(STREPY - 68 ans)


La note:  étoiles
D'instinct
Même si écrire un roman, c’est avant tout de de l'écriture, un acte, un style, des mots pesés, pensés, pressés jusqu’à la goutte et l'élixir, n'empêche, un roman c'est aussi raconter une histoire, dans laquelle on se projette, se jette. N’en déplaise à certaines visions élitistes.
Et dans 10 ans * on nous la raconte bien cette histoire, à travers les yeux d’un petit garçon, Fred, la vie d’une famille les Falcozzi, des italiens émigrés dans la région de Grenoble. Eddy Merckx vient de passer dans une étape du tour de France et le petit Fred est opéré d'une ectopie testiculaire. Rien de grave, rassurons. Il sort vite de l'hosto et on nous donne l’occasion de découvrir une galerie de personnages croquants, craquants. En vrac : Le pépé Brolino. Puis les parents du petit. Et encore Nane, Gérard, Mémé et Notchien. Noël un petit africain. Madame Garcia, une teigne xénophobe, une pute reconvertie concierge. Raoul, le vieux camionneur, compagnon de chambrée au CHU. Le cirque Gengis Khan et la demoiselle Juliette bien trop grande dont Fred est amoureux. " Une chérie jailli dans un tonnerre de cymbales ". " Un rire aussi enchanteur que le concert de clarines dans les alpages ". Myriam, une petite copine qui a des parents fermiers sur fond de Mont-Blanc. Pas le stylo, la montagne, restons concentrés. Girod, un paysan savoyard, Azziz, Naoile, l'attachant Jojo, un petit copain de pas de chance.
Nul doute, l'auteur est plus proche de Sédar Senghor que de Jean-Marie Le Pen. Bref, ce qui frappe d'emblée dans cette écriture, c'est le regard, le petit enfant qui parle, et non pas l’auteur se souvenant, qu’est déjà un vieux, puisqu’il est né en 1962. "
L'école, ça vous apprend aussi des choses passionnantes, mais pas forcément. Dès fois, ça vous empêche même d'exprimer l’artistique qui est en vous. La musique, par exemple, c'est monsieur Castaignette qui nous l’enseigne, le mardi matin. Et moi, la musique, c’est ce que je préfère avec les livres, les culottes des filles et les montagnes. Mais pas avec monsieur Castaignette. ". L'auteur, entre les lignes, nous parle de la notion de famille, et c'est pas toujours l'enfer, le bonheur quand il y
en a, c'est comme est une bonne odeur que l'on ne peut verser sur les autres sans s'en imprégner un peu soi-même, d'instinct.
Bref, une voix de môme vif et espiègle comme dans Toto le Héros le film de Marco Van Dormael .
Laissez-moi rêver que j'ai 10 ans... 8 étoiles

10 ans 3/4, c'est espiègle, ça sent le chaud. C'est spontané, ça sourit et ça vous éclabousse. Le petit croë, il nous en fait voir de toutes les couleurs. Il nous écrit les vraies choses, les vrais amours de l'enfance, les rêves pas encore fripés.
J'ai aimé lire ces phrases qui rebondissent comme une balle de caoutchouc, malicieuses l'air de rien, naïves mais pas trop. C'est écrit comme ça, sans décoration superflue.
10 ans 3/4, ça ne remue que de bonnes sensations...

Bluewitch - Charleroi - 45 ans - 9 avril 2004


Dix ans trois quart 8 étoiles

"10 ans 3/4", c’est l’histoire d'un petit Savoyard d'origine italienne, Frédéric Falcozzi. Le benjamin d'une famille pittoresque qui rappelle un peu celle du petit François dans "Les Ritals" de Cavanna. Le papa Falcozzi, la m'man, le grand frère Gérard, la grande soeur, Françoise mais on préfère dire Nane, la mémé très endommagée (la faute à Alzheimer tout ça), et puis le chien Notchien, qui pète des gaz asphyxiants dans l'escalier. L'Antoine Doisnel des "Quatre cents coups" qui aurait aussi des accointances avec le Momo de "La vie devant soi". Une langue enfantine faite de constructions étranges, de maladresses, de naïvetés
touchantes : "Nous, les Falcozzi, on va jamais à la messe le dimanche : on court à la place. «a nous vient de Pépé Brolino, notre ancêtre. On sort tous du même tonneau, et c’est lui. Pépé Brolino, il a une histoire, tiens, c'est quelque chose. Dans les années folles, il est venu d’Italie, le pays de l'autre côté des montagnes où ils discutent le français avec un accent pas croyable – il n’y a qu'à écouter la mère de Jojo Bacci, c’est à peine humain – et où ils ont inventé les raviolis et le fascisme. L’inventeur italien du fascisme a un nom de dessert à la vanille, Mussolini, et un prénom de petit gâteau au chocolat, Benito, chauve et drôlement crâneur sur les documentaires avec ses grands gestes pas esthétiques. À croire que c’est une si remarquable invention, le fascisme, que ça vous accorde le droit de péter au-dessus de votre cul, ah, je vous jure…" Il nous raconte sa vie, le petit Frédéric Falcozzi (ou le grand Fred Paronuzzi?), l'école, la famille, l'opération des testicules, le suicide de Monsieur Crampon, la culotte de Mademoiselle Petaz, le voyage scolaire en Allemagne chez la correspondante Angelica Früstuck... Une collection
de souvenirs des années 68 à 80, de Killy à Gaston Lagaffe, de Merckx à "Chapeau melon et bottes de cuir", d'Idéfix à Jolly Jumper... Et puis les Alpes, jamais très loin, les Alpes où l'on court le dimanche matin, où l'on glisse l'hiver dans une luge spéciale à cinq places fabriquée par le p'pa, où l'on emmène les filles les dimanches de printemps, où ce serait sympa de semer les cendres de la Mémé pour leur éviter de moisir dans une urne brune sur un coin de la cheminée. "10 ans 3/4", de Fred Paronuzzi. Au Dilettante. Si l'enfance ne vous gêne pas aux entournures...

Lucien - - 69 ans - 10 novembre 2003