Un jour, je serai Prix Nobelge
de Jean-Pierre Verheggen

critiqué par Deashelle, le 10 mai 2013
(Tervuren - 15 ans)


La note:  étoiles
Collection d'entrechats rythmiques
Je voudrais citer Patrick Chemin pour une définition de ce que peut être selon moi un poète : « C'était un collecteur de mots. Il allait par les rues du village et devant chaque porte demandait des phrases, des images, des silences. Oui des silences car il pensait que les mots étaient posés dans le vase des silences. Il allait dans les jardins et caressaient les plantes et susurrait des secrets aux différentes fleurs. C'était un secret différent pour chacune. Il était amoureux des ruisseaux et à chaque période de l'année il comparait leurs courants aux variations de la parole. Et parfois la sécheresse le faisait tantôt pleurer, tantôt rire aux éclats car il n'est rien qui demeure. C'était un collecteur de mots, il avait de grands trésors, un peu partout dans la vaste poche de son pantalon-mémoire. Pourtant il ne gardait rien pour lui, il était follement épris du partage. Il partageait les plus précieux, les plus rares mais aussi les mots de tous les jours. Il ne parlait pas au nom des autres, non les autres parlaient par sa voix et se reconnaissaient. C'était un collecteur des mots, un diseur de bonne aventure, un conteur de la vie dans la tristesse ou la joie. On pensait qu'il était un peu fou mais il avait sa place au sein du village. Un soir il est monté dans une étoile et c'est pourquoi il est fréquent certaines nuits d'entendre tomber des mots du ciel. Des phrases, des fragments, des poèmes, des silences. Peu importe, il faut tendre l'oreille dans l'obscurité. Il y a toujours suffisamment d'espoir et de vertiges dans cette nuit des mots…»

© Patrick Chemin (2011) Extrait du livre « Les écrits dans l’arbre » Paru aux Editions Epingle à Nourrice Le 17 avril 2013 © Droits réservés Editions Epingle à Nourrice

Et voilà que se présente un autre collecteur de mots, Jean-Pierre Verheggen avec son nouveau recueil de jeux langagiers : « Un jour je sera prix Nobelge ! » Je me précipite. Tendons l'oreille:

Auteur, entre autres, de « Frites l’amour, pas la guerre » ou de « Votez verres, votez alcoolos » Jean-Pierre Verheggen, alchimiste verbal a estimé qu’il méritait de se voir attribuer le «Prix Nobelge». Il n’a pas mal à la langue comme d’aucuns le prétendent ! D’où ce dossier de candidature comprenant le rappel des distinctions qu’il a déjà reçues, réelles ou imaginaires. Son dossier, cadre indigeste à dessein (à ne pas confondre avec son « Ridiculum Vitae » dont Bernard Damien fit un spectacle savoureux au théâtre du grand Midi) contient des textes inédits qu'il entend soumettre à l’examen des membres du jury imaginaire. Il aime Devos, bien que sans doute trop classique, Coppens… et autres artisans du verbe.

Provocateur, il se gargarise de citations et références érudites. C’est un auteur de préciosité qui mélange les terminologies, recherche les mots rares, en fabrique de nouveaux à tour de plume, poivre le tout de vulgarismes et fait preuve d’une force créatrice radicale. Peut-être à ne pas lire d’une traite pour ne pas être saoulé par les pitreries, il n’y a de toutes façons pas de trame ou de fil conducteur malgré le cadre administratif qu’il semble s’imposer avec malice. A comme apparemment aigre, acerbe, amer, mordant, piquant, discordant comme James Ensor. Vous connaissez sans doute l’histoire du hareng sort ?

L’amuseur public nous mène dans une aventure linguistique (j’adore) qui nous fait voyager dans un paysage sonore baroque aux saveurs raides comme la gnôle, râpeuses, (sa)tanniques, plutôt que fruitées… ou porteuses de rêves. Il joue avec les masques et les procédés et livre un combat de Don qui chotte au "politically correct", aux convenances et aux zeux-phémismes. A la fin de l’envoi, c’est peut-être du Phébus! Figure de style!