Le cinéma du désir: Dictionnaire
de Jean-Luc Douin

critiqué par AmauryWatremez, le 3 mai 2013
(Evreux - 55 ans)


La note:  étoiles
Désir de cinéma
Ce livre se présente comme un dictionnaire. Comme tout dictionnaire ses choix sont parfois très subjectifs, voire agaçants par leur partialité, surtout quand l'on n'est pas d'accord avec, bien entendu.


Il y a un parti pris très favorable sur les critiques surréalistes, comme Ado Kyrou, qui si ils sont parfois pertinents, sur les « Marx Brothers » entre autres, sont parfois totalement grotesques comme le même Kyrou qui qualifiait les films d'Htichcock de cinéma « nazi » car celui-ci osait montrer des personnages d'allemands, et nazis, nuancés, comme dans la vie somme toute dans « Correspondant 17 » et que « Hitch » aimait bien les grandes blondes apparemment frigides, dont il suggérait l'abandon et l'extase par des artifices de cinéma :


L'actrice relevant ses cheveux et mettant sa nuque à nu, un train qui entre dans un tunnel, comme à la fin de « la Mort aux trousses », dans ce dernier Eva Marie-Saint incarnant une Eve moderne qui sait très bien ce qu'elle veut, qui l'exprime, et l'obtient.


Kim Novak est certainement ainsi que Tippi Heddren l'incarnation ultime de cette femme rêvée et idéalisée par Hitchcock qui lui donne symboliquement la mort dans « Psychose » en tuant Janet Leigh au bout de quelques bobines. Le cinéaste aimait aussi les brunes au tempérament moins langoureux, plus solaires, au début de sa carrière.


L'âge venant, le désespoir et le travail du négatif aidant, la noirceur des sentiments s'est installée.


Jean-Luc Douin a par contre tout à fait raison de rappeler la définition du cinéma par les surréalistes pour qui c'est l'art de l'exaltation du rêve et de la beauté des corps, en particulier celui des femmes.


C'est aussi cette subjectivité, qui naît aussi de la passion de l'auteur pour le cinéma, d'où vient tout l'intérêt de ce livre qui aborde l'origine principale de l'amour du cinéma, et comme l'origine du monde, c'est le désir.


Les censeurs de tous ordres, qui au nom d'une idéologie, qui au nom d'une foi, ne se sont jamais trompés là-dessus, en obtenant le résultat inverse à celui qu'ils espéraient car en forçant les réalisateurs à la suggestion, à l'évocation, plus qu'à montrer crûment « la chose », ils n'ont fait qu'attiser ce désir, désir qui s'il vient de l'éros et du sexe naît également de la tête

Hollywood entre autres devenant une « usine à fantasmes », une colline de miroirs aux alouettes camouflant selon certains écrivains, comme James Ellroy, des réalisateurs comme David Lynch, de noirs secrets.


Les passionnés de cinéma, terme que l'on peut préférer à cinéphile qui sent son érudit un brin poussiéreux amateur d'Abel Gance et de Godard qui s'est arrêté à la « Nouvelle Vague », savent bien qu'à l'origine leur passion naît du désir, de la chair, de leur cœur, des émotions ressenties face aux images projetées sur ce qui est devenu une caverne de Platon moderne.

D'aucuns parmi ces érudits scopophiles oublient que s'ils sont allé au cinéma parfois, c'était pour apercevoir les bas noirs de Silvana Mangano dans « Riz Amer », guetter les transparences des robes de Marylin, ou des chemisiers de Dominique Sanda dans les films de Bertolucci qui montrait aussi les seins lourds de Maria Schneider dans « le dernier Tango ».


Et aussi et surtout ils attendaient le moment propice quand la fille assise à côté d'eux se pelotonnerait contre eux, mieux les embrasserait fougueusement comme la vedette féminine sur l'écran, à la manière d'Ingrid Bergman dans « les Enchaînés » ou aurait besoin d'être consolé après un grand film romantique.


Certains sont parfois maladroits dans le choix des films qu'ils vont voir avec la jeune femme qu'ils désirent, ainsi je me souviens de celui-ci qui est allé voir « La liste de Schindler » avec sa dulcinée, celle-ci était tellement triste qu'elle ne souhaita même pas aller ensuite partager un repas au restaurant au grand désespoir de son amoureux éconduit avec douceur par la fine bouche qui avait senti le cœur tendre, dépité d'avoir fourni lui-même le prétexte de sa mauvaise fortune.

Je me souviens aussi de celui-là qui durant les deux heures de « Basic Instinct » sur l'écran ne savait trop s'il devait se comporter en soudard ou en gentleman ce jour là avec sa compagne de fauteuil, une camarade intelligente qui portait à merveille des minijupes très seyantes sur elle. En sortant il s'en voulut d'avoir été donc victime de sa trop bonne éducation.


Je ne dirai pas lequel des deux était moi...


Enfin, si tout passionné de cinéma égrène ce genre de souvenirs érotiques distingués, il oublie toujours de parler des films moins gratifiants pour son ego, les délires « tétonnesques » de Russ Meyer, les pornos des années 70 qui souvent étaient réalisés par des intellectuels en rupture de ban, d'un bord ou de l'autre, anars de droite et révolutionnaires, les films ayant la redoutable Ilsa pour héroïne, les bandes de « blaxploitation » où le « Pimp » (souteneur, maquereau) était souvent le personnage central entouré de jolies filles allègrement dénudées, comme dans « Superfly » sans oublier les films d'horreur punissant hypocritement l'acte sexuel par le meurtre des coupables par un « serial killer » qui passe, et le montrant abondamment, sous toutes les coutures, auparavant.


Le cinéma du désir c'est aussi le cinéma de l'angoisse, angoisse partagée par tous ceux qui ont la passion de la littérature, et de l'écriture, cette angoisse de ne pas ressentir chaque instant de sa vie intensément, de vivre à moitié. Henri Langlois, bon vivant, ogre débonnaire fou de cinéma, racontait souvent ce rêve qu'il faisait : il était dans une rue sur la chaussée de laquelle étaient répandues des pellicules par centaines, et lui n'avait qu'un tout petit landau d'enfant pour les entreposer, et les regarder un instant grâce au soleil qui dans son rêve était immense.