Je m'avance masqué: Entretiens avec Michel Martin-Rolland
de Michel Martin-Roland, Michel Tournier

critiqué par Tistou, le 25 avril 2013
( - 68 ans)


La note:  étoiles
Entretiens avec Michel Martin-Roland
C’est Michel Martin-Roland qui s’y est collé, qui est parti à Choisel, dans la vallée de Chevreuse, au presbytère habité depuis maintenant de si longues années par Michel Tournier, pour, sous forme d’entretiens, rédiger une espèce de biographie commentée de l’écrivain. Un écrivain un peu insaisissable, parfois un peu iconoclaste et pourtant membre de l’Académie Goncourt …
Quatre gros chapitres :
- Les années d’apprentissage : où Michel Tournier nous raconte l’origine de son lien particulier avec l’Allemagne, qu’il doit à ses parents, germanophiles tous deux. A sa mère en particulier qui l’emmena tout petit déjà tous les ans en Allemagne, à Fribourg en Brisgau mais surtout, plus à l’est, en Thuringe. Où Michel Tournier nous fait part de la rafle qui aurait dû l’emmener, pendant la guerre, et que seule la chance fit qu’il ne fut pas là ce jour funeste. Où Michel Tournier nous raconte ses années d’étude de la philosophie, à Tübingen, au débouché de la guerre, dans un pays en ruine, et l’échec qui s’ensuivit, deux fois, au concours de l’agrégation en France. Puis le retour en France, à Paris, les vaches maigres, boulot de traducteur, puis à la radio (Radio France, puis Europe 1) et attaché de presse.
- Le temps de l’écriture : où Michel Tournier raconte l’acquisition de Choisel – où il écrira toutes ses œuvres – et donc le premier roman « Vendredi ou Les Limbes du Pacifique » qui lui assure d’entrée le Grand Prix du roman de l’Académie française (1967), et le succès. Puis « Le Roi des aulnes » en 1970 et le Prix Goncourt … Et ce sont les décennies Goncourt – il est élu à l’Académie Goncourt deux ans après avoir reçu le Prix. Il nous fait des confidences sur l’envers du décor du Prix. Ceux qui furent primés, ceux qui passèrent tout près … En 2010, jugeant son état de forme peu compatible avec les déplacements à Paris, il se retire et devient membre d’honneur, remplacé par Régis Debray.
- Les autres, les idées , le monde : où Michel Tournier nous livre cette fois son « moi » profond, son regret d’avoir vécu seul, sans amours. Mais pas sans amis … Il aborde à nouveau le regret qu’il a de l’attitude d’Adenauer qui, rejetant l’offre soviétique dans les années 50 d’une réunification de l’Allemagne sous condition de neutralité, provoque de facto la partition du pays en une Allemagne de l’Ouest et une Allemagne de l’Est . Et puis son autre passion : la photographie, qui le conduit à créer, en compagnie de Lucien Clergue, les Rencontres d’Arles, la plus grande manifestation consacrée à la photographie.
- Comment vieillir : où Michel Tournier nous parle de son actualité à lui ; la vieillesse qui s’empare de son corps. Et un bilan, parfaitement subjectif, de sa vie, de ses succès, de ses échecs … Ses regrets :

« Je regrette trois choses. Si j’avais à refaire ma vie, j’apprendrais l’anglais, le piano et le tennis. »

Et l’épilogue : « Comment mourir ? »
Bonne question …
Suivent trois témoignages ; d’Edmonde Charles-Roux, de Robert Sabatier et de Didier Decoin, ainsi que celui d’Arlette Bouloumié, universitaire qui se consacre à un « fonds Tournier » à l’Université d’Angers.
« Je m’avance masqué », c’est un peu l’équivalent de « En marge », de Jim Harrison. Le genre d’ouvrage qui, par petits éclats, petites remarques et confidences vous permet d’appréhender plus intimement le romancier, le conteur, l’essayiste. Le kaléidoscope de faits au quotidien qui au total ont façonné Michel Tournier, l’homme, sa pensée …