Capitaines des Sables
de Jorge Amado

critiqué par Poignant, le 20 mars 2013
(Poitiers - 58 ans)


La note:  étoiles
Les enfants du paradis
Salvador de Bahia, Brésil, années 1930.
Les capitaines des sables, bande de gamins des rues abandonnés, survivent par de menues rapines. Dans cette ville magnifique, libres comme l’air, ils forment un groupe uni par son chef, Pedro Bala. Chacun a un surnom évocateur : le Chat, Patte-molle, Joao Grande, le Professeur, S’la coule douce, Sucre d’orge… Ils vivent en communauté dans un entrepôt abandonné : les grands protègent les petits, ils partagent tout.
Leur fraternelle débrouillardise leur permet d’échapper à la police, à l’orphelinat, à la maison de correction. Sur la plage, ils découvrent l’amour avec de jeunes mulâtresses. Les seuls adultes qui côtoient leur univers sont le curé José Pedro ou le pêcheur Chéri du bon Dieu.…

Jorge Amado, né en 1912, décédé en 2001, est le Victor Hugo des brésiliens. Ecrivains des pauvres, des exploités, des victimes d’une société injuste et égoïste, il magnifie la bonté et l’intégrité de ses personnages en nous faisant rêver.
« Capitaines des sables » est une suite de courtes histoires qui créent une douce ambiance tropicale pleine d’enfants métissés dans une ville colorée. C’est vraiment bien écrit et tellement agréable…
Ma critique pourrait s’arrêter là.

Mais il faut aussi savoir qu’Amado a écrit ce roman en 1937 alors qu’il était communiste et qu’il a été publié en France en 1952, avant la mort de Staline.
« Capitaine des sables » est donc typique d’une littérature qui a idéalisé une situation sociale à des fins politiques. Si on le compare à « La cité de Dieu », de Paulo Lins, qui évoque l’ultra violence des gamins des favélas de Rio, on se demande si on n’est pas dans le monde des Bisounours .
Ne nous leurrons pas. Derrière les jeunes filles en fleur rencontrées sur la plage, il y a des viols, et dans les fuites éperdues après un larcin, il y a des coups de rasoir, ou de pistolet, des morts…

Mais cela ne met pas en doute la sincérité de l’auteur, ni son talent, qui est immense.
Jorge Amado savait transformer l’enfer en paradis, le cauchemar en doux rêve exotique, de violents faits divers en épopée.
N’est-ce pas la marque d’un grand écrivain ?
Une pure humanité 7 étoiles

Capitaes da areias, c’était le nom du bateau d’un ami féru de littérature qui avait eu le bonheur de rencontrer Jorge Amado. Je viens d’achever la lecture de ce roman qui m’a ému aux larmes autant pour son humanité que pour sa qualité littéraire.
En terme d’humanité, nous ne sommes pas là dans la bien-pensance occidentale et contemporaine, mais dans la réalité de vies que l’on a généralement coutume de considérer avec une certaine commisération… lorsqu’on veut bien seulement les considérer. A ce titre, la poésie du texte est totalement chargée de cette injonction qu’y révélait et exigeait Rimbaud (la poésie doit être en avant !), pour décrire magnifiquement une objectivité géographique et humaine qui n’a que faire des bons sentiments.
La violence des situations y est restituée dans sa pure vérité, sans jugement aucun, si ce n’est celui qu’y mettra le lecteur. A lui de se défaire de ses repères émotionnels et esthétiques pour saisir ce que ces enfants ont de commun avec chacun de nous : une histoire dont on ne maîtrise finalement pas grand-chose, si ce n’est la capacité à apprécier ce qui anime les capitaines des sables, des bribes de liberté et des caresses solaires.
La seule réserve que j’émettrais est la dimension militante dont Amado charge les dernières pages du roman et qui ramène à une subjectivité à laquelle on s’identifiera plus facilement. Ainsi la dernière phrase : Parce que la Révolution est une patrie et une famille. N’y a-t-il pas au tréfonds de chacun un zeste révolutionnaire ??? A moins que 80 ans après l'écriture du roman de Amado, la résignation ait pris le dessus sur les espoirs qui pointillaient la littérature du passé...

Luka - - 65 ans - 12 janvier 2017


Un roman brésilien captivant et touchant 9 étoiles

Les capitaines des Sables sont des enfants entre 9 et 16 ans qui vivent à Bahia, au Brésil. Un peu comme Gavroche, ils vivent délaissés, sans parents, dans un entrepôt. Il faut bien s'organiser : il y a un chef, des codes, il faut travailler, soit commettre des larcins. Ces jeunes gens à qui la société a volé une grande partie de leur enfance sont confrontés à des problèmes d'adultes sans mesurer la portée de leurs actes ( viols, agressions ... ). Ces enfants/adolescents ont des noms populaires et symboliques : Le Chat, Coude-Sec, Chéri-du-Bon-Dieu, Sucre d'Orge, Pedro Bala, Patte-Molle ... Des noms qui permettent au lecteur de s'immerger dans cette atmosphère populaire. Le roman permet de suivre le quotidien de ces enfants en marge, fiers et craints, qui vivent ensemble : "Vêtus de guenilles, sales, quasi affamés, agressifs, lâchant des jurons et fumant des mégots, ils étaient en vérité les maîtres de la ville, ceux qui la connaissaient totalement, ceux qui totalement l'aimaient, ses poètes."

Jorge Amado ( 1912-2001 ) a publié ce roman en 1937. Ce roman moderne dont certaines scènes ont pu choquer à sa parution témoigne de la sympathie qu'a l'auteur pour ces capitaines des Sables. Violents, impulsifs, ils sont aussi touchants, amusants et attachants. Et c'est un véritable tour de force. Le lecteur aurait bien pu les détester ou les condamner, ce n'est pas ce qui se produit. Jorge Amado insuffle de l'humanité à cette histoire. Ce n'est pas pour autant que l'on cautionne tous leurs faits et gestes. En même temps, l'on n'est pas là pour juger, l'intérêt est ailleurs.

Ce roman peut se lire comme un véritable roman d'aventure. Il y a des rebondissements, du suspense, de l'émotion. Les dialogues sont vifs et authentiques. On imagine la voix de ces jeunes, le lecteur est amusé par la formulation de certaines de leurs remarques. Le caractère populaire de ces personnages rend ce texte plaisant, vivant et lumineux malgré la pauvreté. Cette ville de Bahia métissée, sensuelle et violente est envoûtante. Une aura poétique enveloppe ce roman qui donne la parole à ces enfants des rues. Je les ai abandonnés à contrecœur ...

Pucksimberg - Toulon - 44 ans - 21 février 2015


Le gang de Bahia 5 étoiles

Il est vrai que si l’on compare à ‘Cité de Dieu’ de Paulo Lins, il y a un monde de différence. Le roman d’Amado est d’une autre époque même si il s’inscrit dans la période du modernisme de la littérature brésilienne. Les multiples et bizarres extraits de communiqués de presse au début qui tentent de nous convaincre que ces jeunes voyous de rue sont des criminels endurcis sont plutôt risibles. D’ailleurs leurs méfaits sont très peu abordés autre que ceux de nature sexuelle.

Je n’ai pas été séduit par cette histoire, principalement en raison de la forme alternant entre la chronique et le reportage. Quelques personnages clés sont mieux façonnés, sans être attachants. Et de manière générale, il plane une certaine naïveté enfantine tout au long du roman que certains trouveront peut-être charmante mais qui dans mon cas m’est apparue dépassée.

(Adapté au cinéma par la petite fille de l’auteur)

Aaro-Benjamin G. - Montréal - 55 ans - 19 septembre 2014