A l'ombre du convoi, Tome 1 : Le poids du passé
de Kid Toussaint (Scénario), José-Maria Beroy (Dessin)

critiqué par Shelton, le 17 mars 2013
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Une excellente bande dessinée sur un épisode de la seconde guerre mondiale !
On croit toujours que tout a été écrit et dessiné sur la seconde guerre mondiale, et je trouve sans arrêt des nouveautés, des épisodes inconnus, des aspects restés dans l’ombre, des héros à faire découvrir… C’est lors du festival d’Angoulême 2012 que j’ai eu l’occasion de lire le premier tome de ce diptyque, c’était un peu par hasard… Maintenant, après la lecture du second volet, encore sous l’émotion de cette histoire assez atypique et forte, je me dis qu’il est grand temps de venir vous en parler…

Le scénariste Kid Toussaint s’est appuyé sur un fait réel peu connu. Cela se passe en Belgique, en 1943, et un convoi ferroviaire qui transporte des Juifs vers la mort s’immobilise de nuit de façon soudaine… Trois hommes vont réaliser cette action, sauvant ainsi 231 personnes du convoi n°20. C’est cette histoire qui nous est racontée avec, bien sûr, quelques aspects romanesques…

Nous allons suivre quelques-uns des personnages de cette aventure – c’en est bien une – et nous allons avoir un grand nombre de flash-backs pour comprendre comment chacun a pu en arriver-là.

Dans ce train, nous avons, entre autres, du côté juif, une jeune femme, Olya avec son jeune frère. Nous avons aussi Wilhem, le soldat allemand… Enfin, au sol, il y a Théo, rongé par des soucis, des angoisses…

Ces personnages ont chacun une histoire qui commence avec celles de leurs parents. Ils sont porteurs d’une destinée qui est si forte que l’on se demande parfois s’ils sont encore libres…

Olya n’est pas Belge, elle est Juive, fille d’un libraire d’Hambourg. Elle a donc vécu, comme enfant, cette montée du nazisme, cette mise à l’écart d’une nation qu’elle croyait la sienne, d’autant plus que son oncle était mort durant la première guerre mondiale pour cette grande Allemagne… Mais en 1938 elle quitte ce pays avec son petit frère dans des conditions très difficiles… Elle porte sur le bras une blessure particulière, une étoile juive taillée au couteau…

Théo est un jeune Belge qui n’est pas très politisé, pour ne pas dire qu’il se fiche des questions politiques comme de sa première paire de chaussettes… Il croise durant cette vie d’occupation cette jeune Olya et la trouve bien à son goût… Ainsi, nous voyons naitre un amour de jeunes gens comme il en existe beaucoup, mais nous sommes durant cette seconde guerre mondiale et Olya est Juive, ce qui n’est pas rien à cette époque…

Enfin, Wilhem, est Allemand et son père veut faire de lui un homme, un vrai, un nazi… Lui préfère la littérature, la poésie, les rêveries… Il va se retrouver dans les jeunesses hitlériennes où il sera malheureux, bahuté, traumatisé, et où il va tenter de survivre, tout simplement… Il rencontrera cette jeune Olya qui sera une sorte d’amie de jeunesse pour ne pas dire amour. Comme le père d’Olya est libraire c’est elle qui fournira le jeune Allemand en ouvrages divers, à commencer par ces auteurs rejetés par le régime…

Cette bande dessinée est très agréable à lire car malgré les très nombreuses séquences qui nous font voyager dans le temps (de 1914 à 1943) et dans l’espace (dans une grande partie de l’Europe) les auteurs nous proposent un ouvrage qui se lit avec aisance, plaisir et émotion, sans que l’on soit obligé de tout reprendre pour comprendre…

Le dessin est assez réaliste mais, attention, il ne s’agit pas d’un classicisme statique. En effet, le dessin est très dynamique, certains dessins sortent des cases pour augmenter les effets de violence, de peur… On a aussi quelques planches spécialement consacrées à l’histoire de ce nazisme réalisées en deux couleurs, le noir et le rouge…

Le tout donne une excellente bande dessinée que j’ai eu beaucoup de plaisir à lire, avec ce premier volet qui ne donne aucune réponse mais permet de faire connaissance avec ces personnages, de comprendre leurs vies et d’être prêt à les voir mourir car on comprend bien dans ce premier volume que cette histoire ne peut pas se terminer entièrement bien…

On est bien loin des « et ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants… », mais c’est vrai que la période ne s’y prêtait guère…

A lire !!!