L'âne rouge
de Georges Simenon

critiqué par Jules, le 4 février 2003
(Bruxelles - 80 ans)


La note:  étoiles
Un jeune homme faible.
« L'Ane rouge » est un cabaret de Nantes. Ce genre de cabaret de province où certaines personnes ne font que passer et où d'autres traînent systématiquement quasi tous les soirs. On y présente bien souvent des artistes de seconde zone que l’on prétend à peine descendus de la capitale après de très longues tournées exotiques et lointaines.
Jean Cholet n’a que dix neuf ans et est journaliste au journal catholique de droite « La Gazette de Nantes » Il y fait essentiellement les chiens crevés et les commissariats. Son père est un petit comptable et sa mère ne travaille pas. La famille est des plus modestes.
Jean Cholet se saoulera un soir à « L’Ane Rouge » sans très bien savoir comment il y est arrivé ni comment il s’est retrouvé chez lui. Par contre, il en connaît le chemin et y passera dorénavant ses soirées. Sa mère ne s'en remettra pas et ne cessera plus de lui faire des remarques, persuadée qu'elle est qu'il doit « fréquenter des femmes »
Lui, il considère qu'il a l’âge de pouvoir faire ce qu'il veut.
En effet, Cholet est tombé vaguement amoureux d'une jeune « artiste » du cabaret, boit plus que de raison et offre des tournées. Et ses moyens ne suivent pas.Heureusement, son père est un homme faible et très doux. Même s'ils se parlent difficilement, il trouvera un soutien, assez naïf d’ailleurs, auprès de lui.
S’il y a une chose que Jean Cholet sait c’est que cette petite vie au journal et chez ses parents ne peut pas durer. Tout cela est par trop médiocre à ses yeux. Il a d’autres ambitions.
Comme chaque fois chez Simenon, les ambiances sont merveilleusement bien rendues et les personnages tout à fait crédibles. On sent la ville, « L'Ane Rouge », « La Gazette de Nantes » et on voit les personnages devant soit. Tout ici est analyse psychologique et d'une très grande finesse.
Que va devenir Jean Cholet, alors que nous le sentons très mal parti ?.
Avec tout son art de l’écriture, Simenon va vous faire vivre cette histoire comme si elle se passait sous vos yeux.
Dans « La Marie du Port » nous étions confrontés à une véritable volonté. Ici nous sommes en présence d’un être bien plus faible qui se laisse aller sans bien savoir comment il va arriver là où il l'aimerait. Mais même son but est flou ! Il sait seulement ce qu’il ne veut pas !
Un bon Simenon, comme beaucoup d'autres.
Une mort… Qui remet Jean sur les rails. 8 étoiles

C’était plus fort que lui. Dans la rue, où ses pas résonnaient, il marcha lentement d’abord, puis, plus vite. L’horloge lumineuse de l’église, celle qu’il voyait depuis son enfance car il avait toujours habité le même quartier, marquait dix-heures.
Alors, soudain, il s’élança, moitié marchant moitié courant, car Lulu devait croire qu’il ne viendrait pas. Il franchit les ponts, tourna à droite, s’arrêta un instant pour souffler au coin de la ruelle où elle l’avait quitté. Il apercevait des ombres derrière la vitre entendait le martèlement du piano et la voix caverneuse de Doyen qui chantait le Pantalon réséda.
Plus près sur le globe de verre dépoli, se détachait le mot Hôtel et au-delà de l’Ane Rouge clignotait cette lanterne honteuse dont il n’avait jamais osé s’approcher.
Derrière lui, à moins de cent mètres, c’était la place de la République, presque silencieuse. Mais parmi la foule, vers cinq heures et demie, il y avait eu un remous…
Il eut un vertige, un recul instinctif, puis il mit la main sur le bec-de canne dont la corne poisseuse lu était familière.
-Entre, mon vieux ! Sois souple et discret comme un courant d’air ! cria Layard qui répétait vingt fois par soirée la même phrase.
Sur l’estrade, un Doyen lugubre attendait qu’il fût assis pour commencer une autre chanson et le pianiste avait ses longs doigts suspendus au-dessus des touches…
Pardon…Pardons, monsieur…
Les tempes battantes, Jean se glissait entre les tables. Lulu le regardait venir. A côté d’elle, à la place qui était la sienne, il y avait un homme au nez de travers que CHOLET n’avait jamais vu et qui parlait bas sans s’occuper de ce qui l’entourait. Jean non plus n’était pas attentif à l’instant qu’il vivait et pourtant il entendit nettement, bien que ce fût à peine murmuré, Lulu qui lui disait à son compagnon :
-C’est lui !
Attiré comme un insecte autour d’un globe lumineux, Jean Cholet, juste avant de se brûler les ailes devra son salut…grâce à son père… Un très beau roman, aussi mélancolique que la chanson :
‘’Sur le pont de Nantes’’.

Pierrot - Villeurbanne - 73 ans - 31 janvier 2018


le plus liégeois de ses romans nantais 9 étoiles

Jean Cholet (19ans) est jeune journaliste à la Gazette de Nantes, - comprenez qu’il s’occupe plutôt des chiens écrasés… - Il fait la connaissance d’un cabaret situé juste en face de son boulot, l’Ane Rouge et de la chanteuse qui répond au doux nom de Lulu, dont il s’entiche. La mère de Jean trouve que son fils file du bien mauvais coton, en pleure, se désespère. Le père de Jean, lui, est plus philosophe mais comme on dit, apparemment ce n’est pas lui qui porte la culotte dans le ménage Cholet. Notre brave grand garçon est entrainé dans une vilaine combine et puis il devient jaloux. Vingt ans, l’âge où l’on se cherche encore et notre héros finira par rentrer – un peu tôt peut-être- dans le droit chemin que la société lui a déjà tracé depuis belle lurette ( ce qui ne fut pas le cas pour notre ami Georges).

Un roman – sans meurtre – qui est un singulier copier-coller (comme on dit aujourd’hui) de la vraie vie liégeoise de Simenon. Car lui également a travaillé dans un journal, la Gazette de Liège, s’est épris d’une jeune fille – de plusieurs même-, avait une mère qui se désespérait de son fils,…
Particularité donc : L’Ane Rouge est le plus nantais des romans de Georges Simenon.

Extrait :

- Jamais encore il n’avait été aussi indifférent, aussi détaché de tout. Il était caché sous un lit, dans une maison qu’il ne connaissait pas, où l’avait introduit en fraude une femme qu’il n’aimait pas. Car il ne l’aimait pas ! Elle s’attendrissait trop ! Elle avait un corps maigre, avec des seins vides. Quand elle n’était pas coiffée, on voyait qu’elle avait les cheveux rares et sa peau était, sous les fards, une peau irrégulière de paysanne mal soignée.

Catinus - Liège - 73 ans - 24 septembre 2012


Livre qui m'a pris pour un âne! 3 étoiles

L'âne rouge est le deuxième livre de George Simenon que j'ai eu l'occasion de lire. Personnellement, je crois que je n'aime pas le style de narration de l'auteur, étant un lecteur de polar, intrigue, suspense ou de fantastique. Mon opinion, étant en conséquence, j'ai trouvé que l'histoire de ce livre était pauvre et sans intérêt. Nous lisons le livre du point de vue de Jean Cholet, un personnage en pleine crise d'adolescence qui explique son vécu et une tranche de vie ordinaire. Personnellement, la lecture était pénible puisque l'objet du livre était déprimant, le style narratif peut être difficile à suivre lorsque nous lisons certains passages (la plupart des chapitres traitent d'analyses psychologiques) et l'histoire très banale a essoufflé mon intérêt. Je le déconseille vivement pour les lecteurs recherchant de l'intrigue ou une histoire passionnante. Les lecteurs préférant les analyses psychologiques ou les descriptions d’ambiances vont probablement y trouver un certain intérêt.

Kopin - - 42 ans - 2 avril 2009


Une véritable vie... 8 étoiles

C'est le début de sa future vie que Simenon écrit dans ce livre. « L'Ane rouge » est un cabaret de Nantes, mais aussi un des cabarets de Liège qui n'existe plus aujourd'hui et que j'ai bien connu. Cabaret de province, donc, où Simenon passera de nombreux soirs.
Jean Cholet (Simenon) a dix neuf ans et est journaliste au journal catholique de droite « La Gazette de Nantes », qui représente en quelque sorte « La Gazette de Liège » où l'auteur débute comme "journaliste" faisant essentiellement les chiens crevés et les commissariats.

Son père (ici Désiré Simenon) est un petit comptable et sa mère ne travaille pas. La famille Cholet/Simenon est des plus modeste.

Jean Cholet se saoulera un soir à « L’Ane Rouge » sans très bien savoir comment il y est arrivé ni comment il s’est retrouvé chez lui.

Par contre, il en connaît le chemin et y passera dorénavant ses soirées. (Peu vraisemble, dans cette autobiographie).

Sa mère ne s'en remettra pas et ne cessera plus de lui faire des remarques, persuadée qu'elle est qu'il doit « fréquenter des femmes »

Simenon a toujours su comment les fréquenter et n'a jamais eu besoin de sa mère pour lui dire 'comment se conduire'.

Lui, il considère qu'il a l’âge de pouvoir faire ce qu'il veut.
(C'est à dix-neuf ans que Simenon part pour Paris)

En effet, Cholet est tombé vaguement amoureux d'une jeune « artiste » (On reconnaît ici sa première épouse "Tiguy"), boit plus que de raison et offre des tournées. Inversion aussi, ici, son père est mort quand Simenon/Cholet se marie à Tiguy.

Son père est un homme faible et très doux. Même s'ils se parlent difficilement, il trouvera un soutien, assez naïf d’ailleurs, auprès de lui.

Ce qui fut tout à fait exact dans la jeunesse du romancier !


S’il y a une chose que Cholet/Simenon sait c’est que cette petite vie au journal et chez ses parents ne peut pas durer.

Vrai ! Tout cela est par trop médiocre à ses yeux. Il a d’autres ambitions... que d'écrire pour un petit journal de Liège !

Comme chaque fois chez Simenon, les ambiances (celles de sa ville natale) sont merveilleusement bien rendues et les personnages tout à fait crédibles.

On sent la ville, « L'Ane Rouge », « La Gazette de Nantes » ou de « Liège » et on voit les personnages devant soit.

Tout ici est analyse psychologique et d'une très grande finesse.

Ce livre, en effet, est celui des débuts de Simenon.

Collard - - 78 ans - 21 mars 2006