Le mangeur de pierres
de Gilles Tibo

critiqué par Libris québécis, le 4 février 2003
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
L'œle de l'intolérance
Un cap en forme de main pare une île du fleuve St-Laurent, où vivent des pêcheurs peu avenants à cause de leur isolement. Si par malheur naît un membre différent de la communauté, comme l'admet la grand'mère à propos de son petit-fils, il sera rejeté au point de vouloir quitter l'île. C'est ce qui arrive à Gravelin qui n'est pas attiré par la mer.
Incompris, même de ses parents, il deviendra un primitif enchaîné aux éléments terrestres, en particulier au monde des pierres dont il fera son régal. Comme Prométhée qui trouvait une odeur humaine aux pierres, Gravelin, lui, leur trouvera un goût. En fait, ce roman est un conte mythologique pour adulte. Eschyle vient de trouver un digne disciple en Gilles Tibo. Notre auteur a fait de son héros un être doublement enchaîné à cause de son mutisme, voisin de l'autisme. Les oiseaux de mer seront par contre sa consolation. Ils ne viendront pas lui manger le foie. Au contraire, leur chair servira à le nourrir et leur sang à le désaltérer. Même leurs plumes contribueront à faire converger l'amour vers le héros, qui les sèmera, comme un petit Poucet, de sa belle jusqu'à son antre. Seulement compris de sa grand'mère qui s'occupait des enfants de l'île, il jettera son dévolu à sa mort sur .lisabeth à qui on a confié de prendre la relève. Son apprivoisement, quoique malhabile, sera concluant. C'est leur malheur qui les attirera et qui les poussera vers une fuite risquée, qui conduit à un dénouement spectaculaire et inattendu.
Ce conte magique rappelle ceux de notre enfance. Encore une fois, la bêtise humaine s'acharne sur nos enfants comme le loup sur le petit chaperon rouge. L'auteur lance un message d'amour, écrit dans une langue poétique malgré le décor austère qui façonne l'âme de ses habitants peu amènes.