Mémoires d'un poilu breton
de Ambroise Harel

critiqué par JulesRomans, le 7 mars 2013
(Nantes - 66 ans)


La note:  étoiles
"Après être fatigué on va encore loin" (proverbe breton)
Si Camille Godet (né à Rennes) professeur de dessin industriel en 1914 dans la capitale bretonne, nous a laissé de nombreuses illustrations dont " Troupe militaire progressant à travers les décombres" œuvre présente dans le musée de cette ville, un poilu du même département nous a proposé un ouvrage "Mémoires d’un poilu breton" qui est une belle illustration d’un vécu de combattant.

Son auteur est Ambroise Harel, un agriculteur de Langon décédé en 1936 comme l’avant-propos nous l’apprend. Par contre il ne nous est pas dit qu’Ambroise Harel est né le 5 février 1895 à Langon d’un père paysan. Comme il est de la classe 1915, il est incorporé le 18 décembre 1914 au Mans dans le 117e RI. Au bout de la troisième édition, il serait temps de corriger une quatrième de couverture faite par quelqu’un qui n’a pas lu les trois premières pages de l’ouvrage, puisqu’il annonce que l’auteur est de la classe 1914 et qu’il a fait la guerre dès août 1914.

Cet ouvrage propose de suivre le parcours d’un homme qui a appartenu à divers régiments (117e RI, 115e RI, 243e RI et 233e RI). Très respectueux de la hiérarchie militaire, il a passé la majeure partie de la guerre avec le grade de caporal. Vraisemblablement à partir de notes prises sur un carnet, il a rédigé un texte d’une lecture très fluide. Celui-ci est à mi-chemin entre ce qu’on écrivait aux familles et le côté vraiment horrible de cette guerre.

Il s’agit d’un livre d’hommage à ses camarades, il truffe son texte de noms en précisant le peu ce qu’il sait de la personne dans le civil ; on a l’impression qu’il voudrait que la famille de chacun de ses camarades soit heureuse de lire qu’on parle d’un des siens. Il désire visiblement faire œuvre d’historien et voilà pourquoi il gomme toute mention de sentiments. Le seul mouvement d’humeur qui transparaît est devant l’absence d’accueil à leur retour sur le sol national qui se fait d’Allemagne par la Hollande, la Belgique et Dunkerque. On arrive à deviner que la crainte d’un coup de main des corps francs allemands habite presque constamment ses camarades, mais cela comme d’autre chose est dit avec pudeur.

Ambroise Harel nous dépeint son métier de soldat et la distance qu’il met dans cette tâche nous permet d’appréhender beaucoup de réalités sans avoir à lire l’insupportable. En conclusion, une très bonne approche de la vie dans les tranchées et des conditions des prisonniers français en Allemagne puisque Ambroise Harel est capturé le 29 mai au matin près de Soissons et qu’il ne rentre en France qu’à la mi-janvier 1919.