Entrer dans une pensée ou Des possibles de l'esprit
de François Jullien

critiqué par Yokyok, le 6 mars 2013
(Nîmes - 36 ans)


La note:  étoiles
Voyage aux sources de la pensée chinoise
D’emblée, l’auteur prévient : que l’on tente de la résumer, d’en dresser méthodiquement la liste des notions, ou encore de retracer son histoire en exhibant les thèses et débats qui l’auraient jalonnée, et c’est déjà trop tard. La pensée chinoise se dérobe, nous échappe, on est passé à côté. Inconsciemment, on a voulu la couler dans le moule de nos concepts occidentaux. On est resté chez soi : on n’est pas « entré ».

Car, nous dit l’auteur, on ne peut entrer dans la pensée chinoise sans l’aborder par et dans sa langue. Une langue qui ne se conjugue pas, ne se décline pas, et est quasiment sans syntaxe. C’est tout l’objet de ce livre : inviter le lecteur à lire une simple phrase de chinois, les premiers mots du Yi-King – le plus ancien livre de la Chine – sur le commencement. À la lire « dans ce qu’elle dit et dans ce qu’elle ne dit pas ; dans ce qu’elle engage et dans ce dont elle se détourne, dans ce qu’elle donne et ne donne pas à penser ».

À travers la mise en parallèle de cet énoncé avec d’autres récits fondateurs – bible hébraïque, théogonie grecque – s’esquisse un possible de la pensée qui avait échappé à la philosophie. Et l’on découvre un autre mode d’intelligence à explorer. Pour aussi, de cette nouvelle perspective, mieux comprendre notre propre mode de pensée.

À plusieurs reprises, je m’étais fait la réflexion que parmi les personnes de diverses nationalités que j’ai eu l’occasion de côtoyer, les chinois font partie de ceux avec qui la communication est la moins évidente, et les situations de connivence rares. Cet essai court et passionnant m’a donné quelques clés de compréhension. Je le recommande à tous ceux qui s’intéressent à la Chine, et à ceux qui croient en la fécondité de la confrontation entre les cultures.